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LA SAINTETE (MARS 2020)


La « Sainteté »

En cette période de Carême, nous sommes invités à grandir en sainteté. Du coup, une question se pose… qu’appelle-t-on « sainteté » en Eglise ! Nous allons creuser ce mystère, sur plusieurs mois, tel que la Tradition et le Magistère l’ont défini. Théologie biblique. La sainteté appartient à Dieu seul. Elle désigne l’éclat de sa puissance, la perfection de son être. Lui seul a le pouvoir de faire participer à sa sainteté ceux et celles qu’il appelle à vivre en sa présence. Le vocabulaire du sacré et de la sainteté. La racine qâdash qui relève du registre religieux, recouvre à la fois les notions de sacré et sainteté. Dans les religions anciennes, elle exprime la majesté et la puissance agissante de la divinité. Employée dans les langues sémitiques avec le sens de « consécration-purification », elle a d’abord la valeur positive de consécration, d’appartenance et secondairement celle de la séparation. Le sacré circonscrit le domaine de la divinité et de tout ce qui s’y rattache : personnes, objets, temps, lieux. Il s’oppose au profane (« hol ») qui, au sens étymologique, s’applique à ce qui est situé hors du temple (profanum : devant le temple). Le couple sacré-profane est mis en parallèle avec le couple pureté-impureté (Lv 10,10 ; Ez 44,23). Il s’agit d’abord et dans la majorité des cas d’une pureté rituelle qui définit l’aptitude à participer au culte. En cas d’impureté, des rites de purification sont exigés. Une autre racine hébraïque, nâzar, évoque aussi l’idée de consécration à la divinité. La Septante a rendu massivement la racine qâdash par hagios. Ce verbe renvoie à un verbe hébreu qui signifie « éprouver une crainte respectueuse », souvent avec une nuance religieuse. Ce vocabulaire facilite le passage de la notion de sacré à celle de sainteté morale. Le sacré et la sainteté dans l’Ancien testament. Les 842 attestations de la racine qâdash se concentrent surtout dans les textes sacerdotaux du Pentateuque (les livres de l’Exode, du Lévitique et le livre des Nombres), mais aussi chez le prophète-prêtre Ezéchiel (105 fois !!) et dans les rédactions lévitiques et sacerdotales du Livre des Chroniques (120 fois). Son usage reste assez fréquent chez Isaïe (73 fois) et dans les Psaumes (65 fois). En revanche, elle est peu documentée dans la littérature de la Sagesse. Moïse fait l’expérience que le lieu où le Seigneur se tient est une terre sainte (Ex 3,5). Libérateur de son peuple, le Dieu de l’Exode se révèle « éclatant de sainteté » (Ex 15,11). Le peuple doit se sanctifier pour aller à sa rencontre sur la montagne du Sinaï (Ex 19,10). Le Livre du Deutéronome et les textes rédigés sous sa mouvance soulignent qu’Israël est une « nation sainte » (Ex 19,6), un peuple consacré au Seigneur son Dieu, choisi pour devenir sa part personnelle parmi tous les peuples qui sont sur la surface de la Terre (Dt 7,6). La double affirmation que le Seigneur est saint et que c’est Lui qui sanctifie, scande les paragraphes de la Loi de Sainteté (Lv 17-26). Il appelle son peuple à la sainteté : « Soyez saints car je suis saint » (Lv 19,18, qui sera repris par le Christ lui-même !), une sainteté qui, au-delà des rites, exige un comportement moral allant jusqu’à aimer son prochain comme soi-même (Lv 19,18). Le code sacerdotal des Hébreux a une haute idée de la sainteté d’un Dieu dont on ne s’approche pas impunément, sans avoir satisfait aux exigences requises. Celles-ci sont particulièrement minutieuses pour les prêtres consacrés au service de la sainteté du peuple de Dieu. Les textes sacerdotaux ont tendance à donner plus de poids à la séparation d’avec le profane (Ex 19,12s ; 20,25). Qu’il s’agisse de la construction du sanctuaire ou de l’installation des prêtres, ils mettent en relief les degrés de participation à la sainteté de Dieu. Ezéchiel dénonce les souillures et les infidélités du peuple et de ses dirigeants. Au confluent des traditions liturgiques et juridiques, il envisage un nouveau temple au centre d’une terre purifiée où le peuple sanctifié et rénové par l’Esprit Saint vivra en présence de son Dieu. Isaïe rencontre au Temple de Jérusalem le Dieu Trois fois Saint (Is 6,3). Lui et ses successeurs célèbrent la grandeur du Dieu d’Israël (Is 57,15). Jérusalem sera appelé « Sion du Saint d’Israël » (Is 60,14). Si le peuple est condamné, la souche qui survivra sera « une semence sainte » (Is 6,13). La prière d’Israël fait écho à ces affirmations d’Isaïe : le Seigneur est grand dans Sion, il est saint (Ps 99,2s). Le Dieu saint est un Dieu transcendant qui se laisse approcher. Les prophètes ont fait évoluer la compréhension de la sainteté dans un sens plus moral. Se consacrer à Dieu exige un engagement fidèle et résolu, conscient des ruptures nécessaires, de choix libres dans nos vies. La sainteté dans le Nouveau Testament. Fidèle à l’usage de la Septante, le Nouveau Testament traduit la racine qâdash par hagios : sanctifier, consacrer (28 fois) ; sanctification et consécration (10 fois). 90 des 230 emplois de « hagios » se réfèrent à l’Esprit Saint. La prière de Jésus s’adresse au « Père Saint » (Jn 17,11) et il demande à ses disciples de prier pour que le nom du Père soit sanctifié (Mt 6,9 ; Lc 11,2). Il est celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde (Jn 10,36) ; il est le « saint de Dieu » (d’après le Démon lui-même ! Mc 1,24), « le saint serviteur » de Dieu (Ac 4,27). L’Esprit Saint est à l’œuvre dès sa conception. Investi par l’Esprit Saint à son baptême (Lc 3,22), il marche dans la plénitude de l’Esprit (Lc 4,1). Jésus offre à tous les croyants de participer à la sainteté de Dieu. Sanctificateur et sanctifiés ont tous une même origine (He 2,11). Par une offrande unique, celle du Christ en croix, Jésus mène à la perfection ceux qu’il sanctifie (He 10,14). L’Eglise est désormais la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis (1 P 2,9).

Saints par vocation universelle (Rm 1,7), les chrétiens peuvent déjà recevoir ce titre, même si leur vie n’est pas encore parfaite. La volonté de Dieu est leur sanctification (c’est-à-dire rendre nos âmes aptes à vivre la vie même de Dieu dans le Royaume) et cela implique des ruptures (1 Th 4,3-8). L’Esprit Saint agit dans l’Eglise depuis la Pentecôte (Ac 2,1-13) et la voie de la sainteté consiste à se laisser guider par l’Esprit qui habite en chacun de nous et qui intercède pour les saints. Finalement, être saint, c’est vivre ce pour quoi on est sur terre, chacun à sa juste place, en se laissant guider dans l’abandon, l’amour et le respect de Dieu et de son prochain. Le sens de la grandeur et de la sainteté de Dieu, l’assurance qu’il veut faire participer son peuple à sa sainteté, font partie de l’héritage que les chrétiens ont reçu d’Israël. Par le don de sa vie, Jésus a offert à tous, indistinctement et universellement, une participation à la sainteté de Dieu. Seul l’usage de notre liberté peut freiner cette participation. Et cette participation en Christ dépasse les clivages et les séparations de l’ancienne alliance. Avec Jésus, nous sommes tous frères et sœurs en Christ, membres de la même famille : celle de Dieu lui-même qui nous a tous adopté. La sainteté, c’est vivre la fraternité en vérité, le plus sincèrement possible, en essayant d’aimer malgré nos limites et en assumant nos échecs avec cette phrase de Jésus : « va et ne pêche plus ». Sur Terre, nous sommes en stage d’amour et seul Dieu est notre maître d’apprentissage. Dieu seul est saint et Il est le seul à pouvoir nous introduire dans sa sainteté. Pour les personnes humaines, qui sont des êtres créés, la sainteté consiste donc à participer à la vie divine, nous qui sommes créés « à l’image et ressemblance de Dieu ». Jean dit à ce sujet : « nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3,2). Des deux parties de cette phrase sont nées les deux traditions de la divinisation en Orient (avec notamment la vue de Maxime le Confesseur) et la vision de Dieu en Occident (vision béatifique d’après St Augustin). Le fait qu’elles ont leur source dans le même texte montre bien leur accord et leur complémentarité. Le mois prochain, nous verrons donc ces deux visions, qui s’ancrent dans deux mêmes profondeurs essentielles et unifiées : l’Eucharistie et l’Eglise.

+Franz

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