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Mot du père Franz - Du 26 mai au 12 juin 2022

Vous avez peut-être lu le fameux roman de Kafka : « Le Procès ». Un personnage, dont le nom n’est précisé que par une initiale, Joseph K, est sous le coup d’une inculpation dont il ignore les motifs. Il commence par affirmer son innocence, mais au fur et à mesure que se déroule l’histoire dans une atmosphère de cauchemar, il en vient à se considérer comme coupable… sans qu’on sache de quoi ! Alors, il tente d’éveiller l’indulgence du jury, d’implorer sa pitié.

Il n’est pas difficile de reconnaître, dans cette histoire, un comportement universel où le terreau est celui de la culpabilité, de la culpabilisation. On le voit, par exemple, au fait que nous faisons attention de ne pas être accusé d’homophobie ou d’antisémitisme au moindre écart de langage non voulu.

Il faut reconnaître que parfois, l’Eglise est très douée pour développer ce sens de la culpabilité en multipliant les interdits. Même dans le déroulé de la messe, il y a une grande insistance sur les péchés. Au début (« reconnaissons que nous sommes pécheurs ») jusqu’à la fin (« Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde », « je ne suis pas digne de te recevoir », « il viendra juger les vivants et les morts », etc.).

La Pentecôte, au contraire, nous invite à poser un regard lumineux sur nos vies et à quitter la peur d’un jugement froid qui nous attendrait. A l’heure de son propre procès, Jésus pénètre dans notre monde où l’on condamne (« nous avons une loi, et d’après cette loi, il doit mourir », dira le Grand Prêtre) en avertissant ses disciples qu’il leur enverra un Avocat, un « Défenseur ». Comme s’il voyait bien qu’un risque de condamnation pesait sur l’Humanité comme elle pesait sur lui à l’heure où il va être arrêté.

Qui peut se considérer comme juste ? C’est difficile de vivre avec ceux qui le prétendent, Jésus n’a pas cessé de le dire aux Pharisiens. Oui, nous sommes tous sous l’emprise du Mal, c’est vrai, et c’est diabolique. Le vrai sens du mot « Satan » est : « l’Accusateur » et lorsqu’il nous fait perversement prendre conscience de nos infidélités, il développe en nous la peur du jugement de Dieu. Et là, il est vainqueur, car il fait croire que Dieu –son adversaire- lui ressemble !

Ce n’est pas Dieu qui nous accuse ! Dieu ne peut pas nous accuser et encore moins nous condamner. Car c’est l’Esprit Saint lui-même qui est notre Avocat ! Que risquons-nous si nous le laissons vivre en nous ? C’est peut-être pour cela que le seul péché impardonnable est celui contre l’Esprit, car nous l’empêchons de nous défendre. Alors, livré à nous-mêmes, nous ne faisons pas le poids, avouons-le !

Faut-il en conclure que l’action humaine est insignifiante du fait que nous ne risquons pas d’être condamnés ? Sûrement pas ! Recevoir l’Esprit, c’est vivre d’une certaine manière, c’est essayer d’entrer dans une certaine cohérence qui, non seulement conteste ces forces qui condamnent mais qui prolongent l’action de Jésus en ce monde : « qui t’a condamné ? Va et ne pèches plus » ; « si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui et nous y ferons notre demeure ».

Le don de l’Esprit nous protège d’un jugement tout en nous commandant une certaine façon de vivre dans la fraternité. Ce don est en même temps que la vie un appel à étendre nos possibilités d’aimer. Paul Claudel aimait dire : « à quoi sert le meilleur parfum dans un vase qui est fermé ? ».

Nous avons appris de Jésus que la beauté de l’amour qui nous habite nous invite à sortir de nous-mêmes. Qu’en cette fête de la Pentecôte, souffle en nos cœurs l’assurance que nous serons accueillis les bras ouverts, sûrs « de ne tomber qu’en Dieu » (Ste Thérèse) et nous donne la clairvoyance de ce que nous devons faire ainsi que la force de l’accomplir.

+Père Franz


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