SACREMENT DU SALUT - 1ere PARTIE
Nous parlons beaucoup de l’Eglise, que ce soit par la Parole de Dieu, la théologie, la mission, les textes des papes et évêques, les discussions entre baptisés, etc. Et Dieu vit que cela était très bon !
Aussi, pas mal de personnes m’ont demandé de pouvoir aborder dans le journal paroissial une étude approfondie sur ce thème central de ce qu’est l’Eglise. Voici donc, en cette rentrée, un nouveau chapitre que nous allons suivre de mois en mois. Je ne prétends pas être exhaustif mais je vais essayer de donner des clefs de lecture
pour lever le coin du voile du mystère afin d’y entrer !
L’Eglise est notre famille, elle est notre Mère. Entrons ensemble dans la compréhension commune de notre Eglise-Famille ! Il y a mille façons de commencer, j’ai choisi le thème : « Eglise, sacrement du salut ».
Un sacrement, c’est « le signe visible d’une réalité invisible qui lui est première », c’est-à-dire qu’il rend visible la grâce invisible mais bien réelle de Dieu ! Dans cette définition, si le royaume de Dieu (qui est « déjà-là mais pas encore » !) est invisible, l’Eglise est, quant à elle, visible aux yeux des hommes.
L’Eglise est dans le monde, mais pas du monde, si bien qu’on peut mettre en relation trois réalités : le Royaume, l’Eglise et le monde. Comme un trait d’union entre le Royaume et non monde, car elle rend effectif le passage entre le ciel et la terre ! L’Eglise permet à chacun et à l’Humanité de vivre sa Pâque (« passage ») en et par Jésus-Christ. L’Eglise est ce pont entre la terre (Eglise visible) et le ciel (Eglise invisible, la communion des saints).
Ainsi, nous avons bien trois termes spirituels : le monde, l’Eglise et le Royaume. Commençons par la définition du mot « monde ».
En fait, « le monde » est un mot ambigü car il a trois sens dans la Bible. Tout d’abord, c’est « l’ensemble des réalités créées par Dieu ». Dans ce sens, le « monde », c’est la création. Gn 1 : « Dieu vit que cela était bon ». La Création (et donc le monde) est bonne ! Le monde, dans ce sens, exprime la beauté de Dieu, la beauté de la Création.
Dans l’Evangile selon St Jean, on retrouve ce même sens. Jn 1, 10 : « il était dans le monde… et le monde ne l’a pas reconnu ». La beauté de la Création n’a pas su accueillir la beauté de son Créateur…
Le deuxième sens biblique : tout ce qui, dans la Création, refuse Dieu comme source et fin. On ne parle que du monde, un monde qui refuse Dieu, qui essaie de se bâtir et de vivre hors de Dieu. Par notre liberté humaine, nous avons entraîné la Création dans la chute du péché originel, en quittant le Jardin d’Eden.
Et depuis la chute originelle, St Paul l’affirme : « le monde (la création) crie dans les douleurs de l’enfantement ». Un enfantement, c’est une mise au monde… Dieu nous recrée et si nous avons entraîné le monde dans la chute, nous entraînons la Création dans notre Recréation !
En d’autres termes, si nos fautes rejaillissent sur toute la Création, nous faisons aussi son bonheur en termes d’éternité, car le salut qui nous est donné, fera que nous entraînerons avec nous toute la Création.
Jn 17,9 : « je prie pour eux, je ne prie pas pour le monde » ou 1 Jn 5,19 : « le monde gît au pouvoir du Mauvais ». C’est le monde qui essaie de s’en sortir seul, sans Dieu voire contre Dieu. C’est symbolisé par l’épisode de la tour de Babel : on veut aller au ciel (ou se créer son ciel) sans Dieu quitte à l’atteindre contre Lui… C’est donc le monde du péché, ennemi de Dieu.
Troisième sens : l’histoire humaine globale, vécue en solidarité avec le Cosmos. Cette histoire qui va du péché au Salut. Au début « tous sont pécheurs » (cf. St Paul) ; à la fin le salut est proposé à tous. Nous passons de la Mort à l’Amour. C’est l’histoire sous l’angle de l’Histoire Sainte.
Le monde entier est appelé au Salut –le monde, c’est-à-dire les hommes et la Création-, car nous avons tous la même origine : la Parole créatrice de Dieu. La même fin, ce sont les Cieux nouveaux, la Terre nouvelle en Jésus-Christ. La même énergie vitale : l’Esprit Saint.
Ce monde est le lieu et l’enjeu d’un combat à mort entre péché et grâce. Mais le combat est gagné par le Christ. La Résurrection du Christ et la naissance de l’Eglise l’attestent. Il faut se greffer sur le Christ vainqueur. Et c’est aussi vrai dans nos vies : tant qu’on n’a pas compris cela, on ne comprendra jamais comment grandir vers la sainteté, ni le monde.
Il nous reste à parfaire la victoire du Ressuscité déjà acquise : par nos actes posés dans notre liberté souveraine. D’où notre responsabilité historique immense ! Car nos actes mauvais retardent la Parousie. Même le Christ ne connaît « ni le jour ni l’heure » de son retour, car Il ne sait pas quels seront nos choix libres. Nous ne sommes pas programmés, mais libres. Et cela crée le malheur puisque cela retarde le bonheur pour tous, le bonheur de la Création (dont nous faisons partie !). Tant qu’une majorité de gens ne sont pas convertis, tant que l’Eglise ne réussit pas à faire vivre intérieurement suffisamment de personnes, pas de Parousie possible car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés… Dieu n’est pas en retard, il patiente ». Dieu ne veut perdre aucun de ses enfants.
Dieu tient aussi à « l’autonomie » légitime du monde (qui n’est pas une indépendance !). Vatican II, dans Gaudium et Spes, l’exprime grandement : dans une certaine mesure, le monde et l’histoire fonctionnent comme si Dieu n’existait pas. « un grand nombre de nos contemporains semblent redouter un lien étroit entre l’activité concrète et la religion. Ils y voient un danger pour l’autonomie des hommes, des sociétés et des sciences… » (GS 5.36).
C’est comme si le Christ était en voyage (cf. la parabole du Maître parti en voyage et qui confie ses biens en gérance). Il faut alors tenir à la fois la distance (qui fait que le monde fonctionne comme si Dieu n’existait pas) et la proximité (de l’amour divin pour la plus petite des choses). Cela ne veut pas dire que les choses créées ne dépendent pas de Dieu (il nous maintient dans la Vie et l’Etre), mais une fois ceci posé, il y a une certaine autonomie pour respecter notre liberté.
Si 15,14 : « c’est lui qui a fait à l’origine l’homme et l’a laissé à son conseil ». Il le laisse se débrouiller avec ses seules décisions, tout en sachant que Jésus ne départage pas les deux frères (Lc 12,13-14 : « Maître, dis à mon frère de partager l’héritage avec moi. Mais il lui dit : Homme, qui m’a établi sur vous pour être juge et pour faire vos partages ? »).
La Révélation nous dit la présence d’amour de Dieu qui ne tire pas les ficelles. Cette autonomie est voulue par Dieu (sinon on ne serait pas libre : il faut bien que notre liberté ait un champ d’action). Notre prière ne doit pas concevoir un Dieu interventionniste, qui prendrait notre place. Dieu est à la fois présent et absent par son respect de notre liberté qu’Il a voulue et créée. C’est redoutable, car nous devrons assumer nos choix libres !
Dieu n’a que nous, pour faire ce qui nous lui demandons. Il nous donne d’agir à sa manière, mais si on ne le fait pas, Dieu a voulu ne pas pouvoir agir (et les dons de Dieu sont sans repentance, Il ne reprend jamais ses dons).
La gloire de Dieu, c’est la liberté des hommes ! C’est tout cela qui cohabite dans le redoutable thème central du rapport entre la liberté humaine et la grâce de Dieu.
Avant de voir, le mois prochain, le deuxième terme (le Royaume), je vous laisse méditer une dernière parole : Dieu fait le monde comme la mer fait les continents : en se retirant » (Holderlin).
+Franz
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