Saint CYRIAQUE, ET SES COMPAGNONS

SAINT CYRIAQUE, DIACRE, ET SES COMPAGNONS
Lorsque l’empereur Dioclétien eut associé Maximien Hercule à l’empire, ce dernier, pour plaire à son bienfaiteur, entreprit de lui bâtir un beau palais avec des bains magnifiques. Il résolut de faire travailler à cette construction tous les chrétiens. L’on y vit donc bientôt travailler comme esclaves des hommes du plus haut rang, des personnes faibles et délicates, des vieillards consumés d’années, des ecclésiastiques et des prêtres de même qu’au temps de Pharaon, les enfants d’Israël étaient contraints de travailler aux ouvrages publics d’Egypte. Les uns creusaient des fondations, d’autres portaient du sable et des pierres, ceux-ci faisaient du mortier et ceux-là servaient de manœuvres aux maçons, sans que, malgré l’ardeur du soleil, la faiblesse de leur âge ou de leur complexion, on leur donnât aucun soulagement. On voyait bien à la manière dont les persécuteurs les nourrissaient, que leur dessein était de s’en défaire. Ce palais, appelé les Thermes, fruit des sueurs de ces glorieux confesseurs, a depuis été changé en une église sous le nom de Notre-Dame des Anges. Cependant Thrason, seigneur romain, à qui Dieu avait donné de grands biens, apprenant les cruautés qu’on exerçait contre les Saints et la disette de toutes choses où ils étaient, leur envoyait de temps en temps de quoi se soulager dans leur misère ; il se servait pour cela de saint Sisinie, de saint Cyriaque, de saint Large et de saint Smaragde, qui leur portaient des aumônes au risque de la vie, et se servaient aussi de cette occasion pour les animer à la persévérance et les fortifier contre les découragements de la nature et les tentations du démon. Le Pape qui, selon Baronius, était saint Marcellin, bien que les Actes disent saint Marcel, étant informé de ce qui se passait, reconnut le mérite des deux premiers en les élevant à l’ordre de diacre. Peu de temps après, ils furent tous quatre surpris comme ils portaient sur leurs épaules des vivres aux bienheureux confesseurs, et on les condamna eux-mêmes à travailler aux Thermes avec ceux qu’ils avaient prétendu soulager. Ces excellents chrétiens n’en eurent aucune douleur ; ils prirent volontiers la hotte pour porter du sable, ils traînèrent avec joie le chariot pour charrier des pierres, et leur zèle était si grand, que, ne se contentant pas de leur tâche, s’ils voyaient un autre chrétien accablé sous la pesanteur de son fardeau, ils couraient pour l’aider et faisaient une partie de son ouvrage. C’est ce qu’ils firent à l’égard d’un vieillard nommé Saturnin, qui succombait sous le faix des travaux qu’on lui ordonnait. Les officiers, qui présidaient à la construction, admirant cette action et voyant que ces Saints dans leurs plus grands accablements ne laissaient pas de chanter avec allégresse des cantiques et des hymnes en l’honneur de Dieu, en donnèrent avis à Maximien. Mais ce prince barbare, bien loin d’être touché dé quelque compassion pour eux, commanda qu’on les mît dans un cachot et qu’on fit au plus tôt leur procès. Ce n’est pas ici le lieu de parler de saint Sisinie, qui fut bientôt après décapité avec le vieillard Saturnin, qu’il avait soulagé dans la rigueur du travail de ce superbe édifice. Pour saint Cyriaque, il demeura plus longtemps en prison il y guérit des aveugles et plusieurs autres malades qui eurent recours à lui pour obtenir la santé par ses prières. Cependant Dieu, voulant le glorifier sur la terre avant de le consacrer par le glaive du martyre, permit qu’Artémie, fille de l’empereur Dioclétien, fût saisie par un démon furieux qui la tourmentait très-cruellement. Jetant de grands cris, elle dit qu’elle ne pouvait être délivrée que par le moyen de Cyriaque, diacre de l’Eglise chrétienne. Dioclétien, qui l’aimait tendrement, oublia alors sa férocité naturelle et sa rage contre les chrétiens, et envoya tirer saint Cyriaque de prison, avec Large et Smaragde, ses compagnons, qui étaient enfermés avec lui. Etant venu vers la princesse, il commanda au démon de sortir de son corps. Il en sortit, et Artémie crut en la très-sainte Trinité, suivant les pieuses exhortations de sainte Sérène, sa mère, qui était une fidèle disciple de Jésus Christ. Dioclétien, pour témoigner sa reconnaissance à saint Cyriaque, lui donna une maison dans Rome, où il lui permit de demeurer en toute sûreté. Quelque temps après, la fille du roi de Perse, nommée Jobie, étant aussi possédée par un démon, s’écria comme Artémie qu’elle ne pouvait être délivrée par d’autre que par le diacre Cyriaque qui était à Rome. Ce roi envoya un ambassadeur à Rome au même Dioclétien, pour le prier de lui envoyer Cyriaque. Dioclétien pria sa femme Sérène de persuader au diacre de faire ce voyage. Cyriaque l’entreprit joyeusement avec Large et Smaragde, ses bienheureux compagnons. Il fit une partie du chemin par mer, le reste à pied et le bâton à la main, chantant continuellement les louanges de Dieu, et implorant son secours et sa bénédiction. 1 Lorsqu’il fut arrivé, le roi se jeta à ses pieds et le supplia d’avoir pitié de sa fille. Cyriaque lui promit de la délivrer ; et, en effet, ayant conjuré le démon par le nom redoutable de Jésus Christ, il le força de sortir de son corps et de la laisser en liberté ce qui fut cause de sa conversion, de celle du roi, son père, et de quatre cents infidèles, qui reçurent le baptême des mains du bienheureux diacre. Ce prince voulut reconnaître un si grand bienfait par de riches présents mais nul de ces trois Saints ne voulut rien accepter, et ils lui dirent que c’était une maxime des chrétiens de donner gratuitement ce qu’ils avaient reçu gratuitement, et de ne point vendre les dons de Dieu. Leur dépense était aussi très-minime, puisqu’ils ne mangeaient que du pain et ne buvaient que de l’eau. Quarante-cinq jours après, ils se rembarquèrent et revinrent à Rome, avec des lettres de remerciement que le Persan écrivait à l’empereur. L’empereur les laissa encore vivre en paix. Mais lorsqu’il fut sorti de Rome, pour visiter les provinces de son empire, Maximien, n’oubliant point qu’ils avaient secouru les chrétiens lors de la construction des Thermes, les fit de nouveau arrêter prisonniers. Carpase, vicaire de Rome, fut chargé de les examiner, de les porter à l’adoration des dieux, et, en cas de refus, de terminer leur procès et de les faire mourir. Jamais refus ne fut plus constant et plus généreux. Ils protestèrent tous trois qu’ils ne connaissaient point d’autre divinité que celle de Jésus Christ, et qu’ils mourraient pour une confession si sainte et si glorieuse. Carpase commanda aux bourreaux de jeter de la poix fondue et bouillante sur la tête de Cyriaque. Le Saint souffrit ce tourment avec une patience héroïque il fut aussi étendu sur le chevalet et rompu de coups de bâton ; au milieu de ces supplices, il disait : « Gloire à vous, Jésus, mon souverain Seigneur ; ayez pitié de moi, qui ne suis qu’un pécheur très indigne ». Enfin, par un ordre de Maximien il fut décapité avec ses mêmes compagnons Large et Smaragde, et vingt autres confesseurs qui devinrent par ce supplice de très-illustres Martyrs. Cette exécution fut faite hors des murs de la ville, sur la voie Salaria, en un lieu nommé les Thermes de Salluste. Les saints corps furent transférés par saint Marcellin, pape, dans le champ de Lucine sur la voie d’Ostie ce qui arriva le 8 août aussi la fête de nos trois saints se fait en ce jour. Le martyrologe romain en fait une très-honorable mémoire, et remarque que leurs corps ont, depuis, été transférés dans la ville et déposés avec honneur dans la diaconie de la bienheureuse Vierge Marie, in via Lata. En 1049, le pape Léon IX accorda le bras de saint Cyriaque à l’abbaye d’Altorf en Alsace. C’est de là que cette abbaye porte dans les anciens titres le nom de Saint-Cyriaque. On honore encore aujourd’hui le bras du saint martyr dans l’église abbatiale.
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