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Saint JOHN HENRY NEWMAN

Saint John Henry Newman

cardinal (✝ 1890)

11 août (Communion anglicane)Saint patronOrdinariat personnel de Notre-Dame de Walsinghammodifier John Henry Newman, né à Londres le 21 février 1801 et mort à Edgbaston le 11 août 1890, est un saint catholique. De son vivant, il fut ecclésiastique, théologien et écrivain britannique. Il se convertit au catholicisme en 1845. Étudiant à l'Université d'Oxford, il est ordonné prêtre anglican. Ses travaux sur les Pères de l'Église le conduisent à analyser les racines chrétiennes de l'anglicanisme et à défendre l'indépendance de sa religion face à l'État britannique, sous la forme de « tracts ». Ainsi naît le Mouvement d'Oxford, dont John Newman est l'un des principaux acteurs. Ses recherches sur les Pères de l’Église et sa conception de l’Église l'amènent à se convertir au catholicisme, qu'il voit désormais comme la confession la plus fidèle aux racines du christianisme. C'est au cours de cette période qu'il écrit le célèbre poème Lead, kindly Light. Il part pour l'Irlande afin de fonder une université catholique à Dublin, à la demande des évêques de ce pays. Pour mieux faire comprendre sa conception de l’éducation et de la science il donne un cycle de conférences : L'Idée d'université, avant de démissionner en 1857 à cause du manque de confiance de la part des évêques irlandais face à son entreprise. Sa conversion au catholicisme est incomprise et critiquée par ses anciens amis anglicans. Il est aussi regardé avec méfiance par une partie du clergé catholique anglais du fait de ses positions considérées comme très libérales. En réaction à des calomnies, John Newman décrit sa conversion au catholicisme dans Apologia Pro Vita Sua. Cet ouvrage change la perception des anglicans à son égard et accroît sa notoriété. L’incompréhension suscitée par la proclamation du dogme de l’infaillibilité pontificale conduit Newman à défendre l’Église et la place primordiale de la conscience dans sa Lettre au duc de Norfolk. Sa conception de la conscience sera en partie développée lors du Concile Vatican II. Il écrit par la suite la Grammaire de l'assentiment, qui se veut une défense de la foi face au développement du positivisme. Le nouveau pape Léon XIII, élu en 1878, décide de le créer cardinal en 1879. John Newman meurt onze années plus tard à l’âge de 89 ans.

Théologien et christologue reconnu, il est l'une des figures majeures du catholicisme britannique, avec Thomas More, Henry Edward Manning et Ronald Knox. Il a exercé une influence considérable sur les intellectuels catholiques, notamment les auteurs venus de l'anglicanisme. Pour Xavier Tilliette, il apparaît comme « une grande personnalité singulière, une sorte de cierge pascal dans l'Église catholique du xixe siècle ». Ses œuvres, dont la Grammaire de l'assentiment et l'Apologia Pro Vita Sua, sont une référence constante chez des écrivains tels que G. K. Chesterton, Evelyn Waugh ou Julien Green, mais aussi pour des théologiens et des philosophes comme Avery Dulles, Erich Przywara et Edith Stein, qui a traduit en allemand son ouvrage L'Idée d'université. Proclamé vénérable par la Congrégation pour les causes des saints en 1991 et béatifié à Birmingham le 19 septembre 2010 par le pape Benoît XVI, il est proclamé saint le 13 octobre 2019 par le pape François.

Biographie John Henry Newman est l'aîné d'une fratrie de six enfants. La famille aurait des origines hollandaises, et le nom « Newman », auparavant écrit « Newmann », suggère des racines juives, sans que celles-ci soient prouvées. Sa mère, Jemima Fourdrinier, est issue d'une famille de huguenots français, graveurs et fabricants de papier, depuis longtemps installés à Londres. Le père, John Newman, d'appartenance whig, fonde une banque, emménage avec sa famille à Ham, puis s'installe à Brighton en 1807 et à Londres l'année suivante. Les guerres napoléoniennes l'acculent à la banqueroute en 1816, et la famille emménage alors dans sa maison de campagne de Norwood. Peu après, John prend la gérance d'une brasserie située près d'Alton et les Newman s'installent dans cette localité pour se rapprocher de ce nouveau lieu de travail. Le frère cadet de John Henry, Charles Robert (1802-1884), homme intelligent mais caractériel et athée affirmé, mène une vie isolée, tandis que le benjamin, Francis William (1805-1897), fait carrière au University College de Londres comme professeur de latin. Deux des trois sœurs, Harriett Elizabeth (1803) et Jemima Charlotte (1807), épousent deux frères, Thomas et John Mozley. De l'union de Jemima Charlotte et John naît Anna Mozley, qui éditera en 1892 la correspondance de Newman. La troisième sœur, Mary Sophia, née en 1809, meurt en 1828, ce qui affectera profondément le jeune John.

  1. Jeunesse À l'âge de sept ans, en mai 1808, Newman est inscrit à l'école privée de George Nicholas à Ealing, où il poursuit sa scolarité jusqu'en 1816. Parmi ses professeurs se trouve le père du biologiste Thomas Henry Huxley, qui enseigne les mathématiques. Newman y reçoit une éducation chrétienne et se fait remarquer par son zèle studieux, mais aussi par sa timidité envers les autres élèves dont il ne partage pas les jeux. Il se décrit lui-même comme ayant été « très superstitieux » pendant sa jeunesse. Il éprouve un grand plaisir à lire la Bible, mais également les romans de Walter Scott, alors en cours de publication, et, entre 1810 et 1813, il étudie les Anciens tels qu'Ovide, Virgile, Homère et Hérodote. Par la suite, il découvre des auteurs agnostiques comme Thomas Paine et David Hume, qui l'influencent pendant un certain temps. En 1816, lors de la faillite de la banque Ramsbottom, Newman & Co qu'a fondée son père, John Henry, contrairement à ses amis qui rejoignent leur famille, passe l'été à Ealing. Il a quinze ans et, alors qu'il entre dans sa dernière année de collège, il fait la connaissance du révérend Walter Mayers, protestant évangélique proche du méthodisme de John Wesley. Très impressionné par ce prêtre avec lequel il entretient de longues conversations, il finit par adhérer lui-même à l'évangélisme. Quelques mois plus tard, cette conversion s'approfondit : « Quand j'eus quinze ans (en automne 1816), un grand changement se fit dans mes pensées. Je subis les influences de ce qu'était le dogme et cette impression, grâce à Dieu, ne s'est jamais effacée ou obscurcie1. » Cette évolution s'effectue de manière progressive : « Mes sentiments personnels ne furent pas violents ; mais ce fut, sous la puissance de l'Esprit, un retour à des principes que j'avais déjà sentis, et en quelque mesure mis en œuvre quand j'étais plus jeune, ou bien leur renouvellement. ». Newman décrira plus tard, dans Apologia Pro Vita Sua, son adhésion à l'évangélisme. Le point central est pour lui de « demeurer dans la pensée de deux êtres et de deux êtres seulement, absolus et lumineusement évidents : moi-même et mon Créateur.  Certains auteurs ont vu là l'expression d'un « isolé volontaire », voire égotiste. Louis Bouyer, lui, perçoit dans la conversion de Newman une prise de conscience de soi, indépendance aussitôt confrontée à celle du Créateur, Dieu, rendu accessible par l'appréhension de soi en tant qu'individu. Le livre de Thomas Scott, Force de la vérité, marque profondément Newman, qui affirme à propos de l'auteur : « Humainement parlant, je lui dois presque mon âme ». Thomas Scott y explique sa conversion et sa recherche d'une foi intégrale dans l'Église anglicane ; sa devise, « la sainteté plutôt que la paix », influence Newman, alors passionnément en quête de vérité. De plus, l'Histoire de l'Église lui fait découvrir les Pères de l'Église. Désormais, il considère que sa vocation implique le célibat, idée qu'il confirme pratiquement tout au long de sa vie. Enfin, son attachement au protestantisme évangélique et au calvinisme lui rend l'Église catholique romaine intolérable et il « [partage] vigoureusement les préjugés contre les papistes idolâtres et le pape “Antéchrist” ».

Étudiant à Oxford Admis au Trinity College d'Oxford le 4 décembre 1816, il s'y installe après six mois d'attente en juin 1817. Sa correspondance avec le révérend Walter Mayers témoigne de son esprit critiqu, et sa lecture des « Private Thoughts » de l'évêque William Beveridge l'invite à remettre en cause certains aspects du protestantisme évangélique que prône Mayers: fort de ce nouvel apport, Newman s'interroge sur la pertinence des dons sensibles dans les conversions méthodistes et semble entrevoir que la conversion peut, par le baptême, se passer de toute expérience sensible. Oxford lui plaît et, toujours de nature discrète et timide, il s'adonne à ses études. Il se prend d'amitié avec John William Bowden, de trois ans son aîné, avec qui il suit les cours. Secamarades cherchent à l'emmener aux fêtes alcoolisées de l'université, mais il ne s'y sent pas à l'aise et leurs tentatives sont vouées à l'échec. Il redouble d'efforts pour obtenir une bourse, 60 livres sur neuf ans, qui lui est accordée en 1818, mais cette allocation reste insuffisante pour couvrir les frais universitaires alors que la banque paternelle a suspendu tout paiement. En 1819, son nom est retenu pour Lincoln's Inn, la faculté de droit d'Oxford. Commencent alors des années de travaux universitaires acharnés. Dès l'été 1819 et jusqu'à l'examen en novembre 1820, John Henry étudie près de dix heures par jour pour réussir à ses examens avec mention. Pourtant, en proie à l'anxiété, il échoue à l'examen final et n'obtient son diplôme, sans la mention souhaitée, qu'en 1821. Le 11 janvier de cette même année, son père l'interroge sur son orientation et, contrairement à l'attente de celui-ci, qui envisageait une carrière au barreau, John Henry lui annonce son choix de l'Église anglicane. Comme il désire rester à Oxford pour financer ses études, il donne des cours particuliers et sollicite un poste de lecteur à Oriel College, alors « centre intellectuel d'Oxford » que fréquentent des penseurs tels que Richard Whately ou Thomas Arnold. Newman passe l'examen et est coopté comme « fellow » d'Oriel le 12 avril 1822. Son entrée dans le cercle très fermé des « Noetics » (surnom des membres d'Oriel College) représente un tournant dans sa vie : les « Noetics » sont élus de manière fort sélective et tous recherchent l'excellence intellectuelle. Leur fréquentation permet à Newman d'affiner sa pensée religieuse, très marquée par la foi simple du protestantisme évangélique(il écrit plus tard qu'il professait alors des dogmes « à un moment où la religion était pour [lui] affaire de sentiment et d'expérience plutôt que de foi »), d'autant qu'il rencontre des théologiens tels que Richard Whately ou Edward Hawkins qui se réclament de la doctrine de la régénération baptismale tout en affirmant la visibilité et l'autorité de l'Église anglicane. En 1823, Edward Bouverie Pusey le rejoint.

Prêtre anglican Le 13 juin 1824, dimanche de la Trinité, Newman est ordonné diacre au sein de l'Église anglicane. Dix jours plus tard, il prononce son premier sermon à l'église d'Over Worton (Oxfordshire), et en profite pour rendre visite à son ancien professeur Walter Mayers. Grâce à Pusey, il obtient la cure de Saint-Clément à Oxford et exerce deux années durant ses activités paroissiales tout en publiant des articles pour l’Encyclopædia Metropolitana sur Apollonius de Tyane, Cicéron et les miracles. C'est aussi l'époque où il découvre l’Analogie de la religion naturelle de Joseph Butler, dont les thèmes se rapprochent des siens. En 1825, à la demande de Richard Whately, il devient vice-principal de Saint-Alban's Hall, mais ne demeure qu'un an à ce poste. La sympathie intellectuelle qu'il éprouve pour Whately, écrit-il plus tard, a grandement contribué à son « amélioration mentale » et à sa victoire partielle contre la timidité. D'autre part, la réflexion qu'il mène avec lui sur la logique lui permet d'ébaucher une première définition précise de l'Église chrétienne. Cependant, lorsque Robert Peel, auquel il s'oppose pour des raisons personnelles, est réélu en 1827 député de l'Université d'Oxford, il met un terme à leur collaboration. En 1826, il est nommé tuteur à Oriel College, où le rejoint comme enseignant Richard Hurrell Froude, qu'il décrit comme l'« un des hommes les plus perspicaces, intelligents et profonds qui soient ». Ensemble, Froude et Newman élaborent une conception exigeante du tutorat, plus cléricale et pastorale que séculière. Cette nouvelle collaboration marque sa pensée spirituelle : comme il l'indiquera plus tard, « Il [Froude] m'apprit à regarder avec admiration l'Église de Rome et par là même à me détacher de la Réforme. Il grava profondément en moi l'idée de la dévotion à la Sainte Vierge et m'amena graduellement à croire en la Présence réelle. ». C'est à cette période que Newman se lie aussi d'amitié avec John Keble et qu'il est retenu, en 1827, pour le prêche de Whitehall. Maladie et deuil À la fin de l'année 1827, deux épreuves incitent Newman à se détacher de l'intellectualisme de sa formation. Examinateur, il est victime d'un effondrement nerveux le 26 novembre 1827, sans doute dû à un excès de travail. Il part alors chez son ami Robert Isaac Wilberforce afin de se reposer, mais quelques semaines plus tard, le 5 janvier 1828, sa sœur Mary Sophia meurt après une grande fatigue ; cette disparition brutale le bouleverse et l'amène, alors qu'il se met à la poésie, à concevoir une forme de réminiscence vivante lui permettant d'appréhender la réalité éternelle de la défunte et à relier son destin à la volonté divine. Pendant cette période, il se rapproche de John Keble, dont le recueil de poèmes, The Christian Year, influence sans doute sa propre poésie et confirme l'importance qu'il accorde aux sentiments dans la vie spirituelle. Newman poursuit son étude de la patristique, commencée peu avant sa maladie le 18 octobre 1827 sur les conseils de Charles Lloyd, et favorisée par ses lectures et les articles qu'il rédige pour l'Encyclopædia Metropolitana. Sa réflexion aboutit à la publication en 1833 d'un livre sur l'arianisme, Les Ariens du quatrième siècle ; il décèle chez les Pères de l'Église un authentique humanisme chrétien. Pendant ses vacances de 1828 il lit Ignace d'Antioche et Justin de Naplouse, puis se penche en 1829 sur Irénée de Lyon et Cyprien de Carthage. Il entreprend dans la même période l'étude des œuvres complètes d'Athanase d'Alexandrie et de Grégoire le Grand. Mais ces recherches l'inquiètent lorsqu'il reçoit le 10 juin 1830 la charge de nouveaux élèves. Il craint alors de ne pouvoir autant se consacrer aux Pères de l'Église qu'il le souhaiterait.

Rupture avec la tendance Low Church L'année suivante, Newman soutient, choix qu'il regrette par la suite, la nomination de Hawkins plutôt que celle de John Keble au poste de prévôt d'Oriel College. De là date, selon lui, l'impulsion qui conduit au mouvement d'Oxford. La même année, il est nommé vicaire de Saint-Mary-the-Virgin, l'église de l'université, charge à laquelle est attachée la fonction de chapelain de Littlemore, tandis que Pusey devient professeur régent d'hébreu. Toujours officiellement proche des protestants évangéliques, Newman évolue toutefois dans ses positions sur la place du clergé au sein de l'Église anglicane. Ses écrits montrent qu'il y est de plus en plus favorable, l'éloignant des protestants évangéliques. En particulier, il diffuse une lettre anonyme proposant aux clercs anglicans une méthode susceptible d'éliminer la mainmise des protestants non conformistes sur la Church Missionary Society dont il est le secrétaire local, ce qui lui vaut d'en être renvoyé le 8 mars 1830. Trois mois plus tard, il quitte aussi la Société biblique, parachevant ainsi sa rupture avec la tendance « Low Church » de l'Église d'Angleterre. En 1831, il est invité par Froude à partager ses congés, vacances pendant lesquelles il continue d'écrire des poèmes et voit se renforcer l'amitié qui le lie à son hôte, dont la vie ascétique lui inspire une certaine admiration. En 1831 et 1832, il est désigné pour prêcher devant toute l'université, et en 1832, ses différends avec Hawkins quant à la « nature essentiellement religieuse » du tutorat devenant particulièrement aigus, il démissionne de son poste de tuteur à Oriel College. Lorsque Whately est nommé évêque, Newman espère être appelé auprès de lui, mais, ce souhait restant vain, Froude lui propose de l'accompagner lors de son voyage en Méditerranée.

  1. Voyage en Méditerranée Le 8 décembre, il accompagne Froude en voyage de santé à travers l'Europe méridionale à bord du vapeur Hermès qui fait escale à Gibraltar, Malte, aux îles Ioniennes, puis en Sicile, enfin à Naples et à Rome, où Newman fait la connaissance de Nicholas Wiseman. Pendant ce périple, John Henry Newman écrit la plupart des courts poèmes publiés plus tard sous le titre de Lyra Apostolica, et ses sentiments se partagent entre le dégoût de la foi chrétienne des pays latins, dont l'histoire lui rappelle pourtant les Pères de l'Église, et l'admiration pour la nature qu'il découvre, comme en témoigne l'une de ses lettres où, s'il voit en Rome « l'endroit le plus merveilleux sur Terre », la religion catholique romaine lui paraît « polythéiste, décadente et idolâtre ». De Rome, Newman retourne seul en Sicile, où il tombe malade à Leonforte. Le « pèlerinage de beauté » se transforme alors en « une expérience biface, de découverte et de détresse, d'enchantement et de désarroi », s'inscrivant désormais parmi les événements les plus importants de sa vie. Pendant plus d'un mois, en effet, son état s'aggrave et il croit mourir, épreuve qu'il met à profit pour approfondir sa foi. Il envisage l'éventualité de sa propre mort comme une lutte entre Dieu et lui. L'expérience est pour lui si marquante qu'il la relatera plus tard sous le titre My Illness in Sicily, « creusant au fond de sa mémoire » pour ne terminer ce récit qu'en juin 1840. Dans ce qui peut apparaître comme « une retraite involontaire, une ordalie », il vit sa maladie comme un combat entre sa volonté, dans laquelle il discerne le diable, et celle de Dieu. Au terme de l'épreuve, il acquiert la certitude de « l'amour électif de Dieu » et reconnaît : « J'étais sien ». Xavier Tilliette observe à cet égard : « L'accent ne trompe pas, c'est celui qui émane des conversions, y compris des conversions intérieures qui se produisent dans une vie déjà dédiée ». Newman écrit à ce propos : « Je sentais que Dieu luttait contre moi, et je sentais – à la fin je sus pourquoi – que c'était pour ma volonté propre […] cependant, je sentais aussi et je ne cessais de dire : "Je n'ai pas péché contre la lumière" ». Bien que se jugeant superficiel et manquant d'amour pour Dieu, il se sent promis à une mission plus grande en Angleterre. En juin 1833, une fois guéri, il quitte Palerme à destination de Marseille. Le voilier Conte Ruggiero, dont il est le seul passager en compagnie d'une cargaison d'oranges, se trouve encalminé au large de Bonifacio. Newman écrit alors le poème « Lead, kindly Light », qui deviendra un cantique très populaire en Grande-Bretagne.

  2. Le mouvement d'Oxford Les Tracts for the Times Il revient à Oxford le 9 juillet 1833. Le 14, John Keble prononce à Saint-Mary son sermon sur l'« Apostasie nationale », que Newman va considérer comme le point de départ du Mouvement d'Oxford : ce fut « Keble qui inspira, Froude qui donna l'impulsion et Newman qui poursuivit l'œuvre », écrit Richard William Church. La naissance du Mouvement est aussi attribuée à H. J. Rose, rédacteur en chef du British Magazine, « fondateur, originaire de Cambridge, du Mouvement d'Oxford ». Les 25 et 26 juillet, au presbytère d'Hadleigh (Suffolk), se tient une réunion d’ecclésiastiques de la Haute Église anglicane, sans Newman, où est prise la décision de soutien à la doctrine de la succession apostolique dans cette Église, ainsi que de l'utilisation du Book of Common Prayer dans son intégralité. Quelques semaines plus tard, Newman commence à rédiger de façon anonyme les Tracts for the Times, d'où le nom de « mouvement tractarien » ou « tractarianisme » donné ensuite au Mouvement d'Oxford. Il s'agit d’assurer à l'Église d'Angleterre une solide base doctrinale et disciplinaire, afin de préparer la fin de son « établissement » officiel par la monarchie britannique ou l'éventuelle rupture des ecclésiastiques de la Haute Église avec l'institution établie, perspective envisageable de par l'attitude du gouvernement envers l'Église d'Irlande, église réformée officielle qui devient indépendante de l'autorité de l'État en 1871. Les tracts sont complétés par les sermons que prononce Newman à Saint-Mary le samedi après-midi, et qui exercent pendant huit années une influence croissante, notamment sur les jeunes universitaires. En 1835, Pusey appose ses initiales sur un tract, ce qui, ayant valeur d'engagement, marque son adhésion au Mouvement d'Oxford, d'où la dénomination de « puseyisme » qui lui est parfois attribuée. En 1836, les membres du Mouvement renforcent leur cohésion interne en s'opposant unanimement à la nomination de Renn Dickson Hampden comme professeur régent de théologie à Oxford, car ses Conférences de Bampton, prêchées en 1832 avec l'assistance de Blanco White, sont soupçonnées d'hérésie, ce que corrobore Newman dans le pamphlet Elucidations of Dr Hampden's Theological Statements. À cette date, Newman devient rédacteur en chef à la British Critic et donne une série de conférences dans une chapelle de Saint-Mary, où il défend la théorie de l'anglicanisme comme une « Via Media » entre le catholicisme et le protestantisme populaire71 ; il s'agit là d'œuvrer à la réconciliation de l'anglicanisme avec la fidélité apostolique et dogmatique révélée, selon les Pères de l'Église dont Newman approfondit toujours la pensée, au début du christianisme. Leur lutte contre différentes hérésies alors majoritaires, dont l'arianisme, incite Newman à rechercher, face aux divisions de l'Église, la meilleure manière d'ancrer l'anglicanisme dans le respect de la tradition, donc de la foi, qui représente à ses yeux la vérité révélée. En 1838, Newman et Keble décident de publier, sous le titre Remains, les écrits de Richard Hurrell Froude, mort deux ans auparavant ; la parution fait scandale, certains Anglais se trouvant choqués par la vie d'ascèse que révèlent ses « Journaux », avec exercices et examens de conscience74. Ducuns vont jusqu'à y voir une apologie déguisée du catholicisme. Newman poursuit cependant ses travaux de théologien pour la Haute Église, jusqu'à la publication du Tract 90, le dernier de la série, dans lequel il examine en détail les Trente-neuf articles fondateurs de l'anglicanisme et affirme leur compatibilité avec les dogmes catholiques. Les Trente-neuf articles, ajoute-t-il, ne s'opposent pas à la doctrine officielle de l'Église catholique, mais uniquement à certains excès et à des erreurs communément partagées. Cette théorie n’est pas nouvelle, mais elle provoque l'indignation générale à Oxford. Archibald Campbell Trait, futur archevêque de Cantorbéry, ainsi que trois autres professeurs, dénoncent cette thèse comme « ouvrant une voie par laquelle des hommes pourraient violer leurs engagements solennels vis-à-vis de l'université ». L'inquiétude est partagée par de nombreuses autorités de l'institution, et, à la demande de l'évêque d'Oxford, la publication des Tracts est interrompue. Newman, comme il l'explique plus tard, est « sur son lit de mort pour ce qui était de son appartenance à l’Église anglicane ». Il démissionne alors de son poste de rédacteur en chef à la British Critic. Désormais, il pense que la position des anglicans est similaire à celle des semi-ariens lors de la controverse de l'arianisme, et le projet d'un diocèse anglican à Jérusalem, avec des nominations relevant alternativement des gouvernements britannique et prussien, achève de le convaincre du caractère non apostolique de l'Église d'Angleterre. En 1842, il se retire à Littlemore, où il vit dans des conditions monacales avec un petit groupe de proches, auxquels il demande de rédiger des biographies des saints anglais, tandis qu'il achève son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, où il cherche à se réconcilier avec la doctrine et la hiérarchie de l'Église catholique romaine. Il étudie les écrits d'Alphonse de Liguori, dont il retire la certitude que l'Église catholique n'est pas, comme il le croyait, une foi superstitieuse. En février 1843, il publie anonymement dans l'Oxford Conservative Journal une rétractation officielle des critiques qu'il a adressées à l'Église romaine, et en septembre, il prononce son dernier sermon anglican à Littlemore, puis il démissionne de Saint-Mary le 18 septembre 1843.

La conversion Conversion au catholicisme. Le 26 septembre 1843, Newman écrit son dernier sermon anglican, « On the Parting of Friends ». John Keble, s'affirmant ainsi comme l'une des rares personnes à le soutenir à travers sa correspondance, assigne son retrait aux vives critiques et aux calomnies dont il est l'objet. Newman, quant à lui, soutient qu'il doute depuis plus de trois ans de la validité de l'anglicanisme, que sa décision a été longuement mûrie, qu'il ne se sent plus en sécurité dans une Église schismatique. D'ailleurs, ajoute-t-il, sa conversion au catholicisme ne saurait être le fruit que de sa réflexion sur la foi, car loin d'y trouver son intérêt, il perdra son statut et ses amis, et s'engagera dans une communauté où il ne connait personne. Cependant, il diffère sa décision définitive, préférant poursuivre son étude des pères de l'Église et, comme il l'explique dans sa correspondance, prier pour savoir s'il « [est] victime d'une illusion ». Au cours de l'été, il achève ses travaux sur S. Athanase d'Alexandrie et commence à rédiger un nouvel ensemble de réflexions théologiques. Deux années s'écoulent avant qu'il ne soit officiellement reçu dans l'Église catholique romaine le 9 octobre 1845 par Dominique Barberi, passioniste italien96 au Collège de Littlemore, conversion, assure-t-il, qui lui apporte la paix et la joie. Le 22 février 1846, il quitte Oxford pour le Collège théologique d'Oscott près de Birmingham, où résidait Nicholas Wiseman, vicaire apostolique pour le district central d'Angleterre. Il publie alors l'une de ses œuvres majeures, fruit de ses réflexions théologiques : Essay on the Development of Christian Doctrine. Se séparer d'Oxford lui est difficile, encore que sa conversion soit suivie par d'autres, de plus en plus nombreuses, parmi les membres du mouvement d'Oxford. À l'instigation de Nicholas Wiseman, il part pour Rome en octobre 1846 afin de se préparer à la prêtrise catholique et poursuivre ses études. Il est reçu par le pape Pie IX, mais son arrivée devient très vite source d'incompréhension auprès des théologiens. Ainsi, l'Église catholique américaine condamne son Essay on the Development of Christian Doctrine, décision que reprennent certains doctrinaires italiens sous le chef d'hérésie. Dans l'espoir de lever les incompréhensions dont il est l'objet, Newman se voit contraint de faire traduire son ouvrage.

  1. L'Oratoire À Rome, John Henry Newman s'interroge sur sa vie en tant que catholique ; d'abord attiré par les dominicains, et notamment par les écrits d'Henri Lacordaire, il se détourne progressivement de cet ordre au profit de la congrégation de l'Oratoire et de son fondateur, saint Philippe Néri, qui, entre autres, ne pratiquant pas la profession de vœux religieux, lui convient mieux après des années passées dans l'anglicanisme. Le pape Pie IX, enthousiaste, lui en facilite l'entrée, de même que celle de certains de ses amis anglicans convertis, le noviciat se réduisant pour eux à trois mois. Newman est donc ordonné prêtre le 30 mai 1847 par le cardinal Giacomo Filippo Fransoni, préfet de la Congrégation pour la propagation de la foi. Après avoir reçu la bénédiction du pape le 9 août 1847, il décide de partir le 6 décembre 1847 pour le Royaume-Uni et d'y fonder le premier oratoire de l'Angleterre, l'Oratoire de Birmingham. Arrivé à Londres la veille de Noël 1847, il s'installe à Maryvale où, de fait, le premier Oratoire d'Angleterre est érigé canoniquement le 2 février 1848. L'Oratoire de Londres. Parmi les oratoriens présents à Maryvale, se dessinent deux tendances : l'une, gravitant autour de Frederick William Faber et des plus jeunes, est plus critique envers les anglicans et, à l'instar du catholicisme italien, cherche par la conversion à changer l'anglicanisme ; l'autre s'articule autour de la conception de Newman d'une Église catholique vue comme la fidélité au vrai christianisme des Pères de l'Église111. Toutefois, la tendance que représente Frederick William Faber le conduit provisoirement à critiquer l'anglicanisme en des termes particulièrement sévères. Mgr Nicholas Wiseman invite les Oratoriens à prêcher pendant le carême à Londres, prêches qui se révèlent un échec, mais qui aboutissent à la fondation de l'Oratoire de Londres avec Frederick William Faber comme supérieur113, Newman, quant à lui, restant au sein de l'Oratoire de Birmingham. Cette période est marquée par une nouvelle vague de conversion d'anglicans au catholicisme, dont celle de Henry Edward Manning, futur cardinal. À la demande de Nicholas Wiseman, Newman reçoit de Pie IX le titre de doctor honoris causa en théologie115. En 1847, il réside successivement à St. Wilfrid's College (Cheadle, Staffordshire), à St Ann's (Birmingham) et Edgbaston. Pie IX nomme Nicholas Wiseman cardinal et archevêque de Westminster, et en 1851 il rétablit la hiérarchie catholique au Royaume-Uni en y créant de nouveaux diocèses, initiative que le protestantisme populaire conteste vigoureusement en s'en prenant non seulement au Vatican, mais aussi aux catholiques en général, dont Newman assume la défense non pas en condamnant les anglicans, mais en dénonçant leur opinion erronée.

Fondation de la Catholic University of Ireland Au cours des années 1850, les évêques irlandais s'opposent à l'institution de la Queen's University of Ireland admettant catholiques et protestants, car ils y voient la volonté délibérée de la Grande-Bretagne d'imposer progressivement l'anglicanisme dans leur pays. C'est dans ce contexte qu'ils demandent à Newman de fonder une nouvelle université à Dublin, la « Catholic University of Ireland ». Dans un premier temps, en mai 1852, Newman donne des conférences où il expose sa conception de l'éducation et de l'université, ainsi que la culture christianisée et la possibilité de concilier science et théologie, notions encore précisées lors de nouvelles interventions qui conduisent à l'une de ses principales œuvres, Idea of a University (L'idée d'université). Très vite, Newman en est nommé recteur, mais les évêques d'Irlande ne lui laissent aucune marge de manœuvre, ce qui incite Nicholas Wiseman à essayer, mais en vain, de le faire consacrer évêque. Mal considéré et peu écouté, Newman fonde cependant une faculté de philosophie et de littérature en 1854, puis une faculté de médecine en 1856 ; il tente aussi un rapprochement avec certains Irlandais inquiets de ses origines britanniques en se mettant à l'étude de la culture celtique. Pour autant, les étudiants n'affluent pas, les évêques refusent toujours leur confiance et barrent la route aux laïcs ; faute de pouvoir procéder à des nominations, Newman finit par démissionner en 1857.

  1. Crises et déboires En 1851, Newman donne une série de conférences « Present Position of Catholics in England » (« Situation actuelle des catholiques en Angleterre ») où il défend l'Église catholique romaine face aux attaques de Giovanni Giacinto Achilli. Celui-ci, ancien prêtre dominicain italien installé depuis peu en Angleterre, a été rendu à l'état laïc pour avoir eu des relations avec des femmes. Il proteste contre l'Église, la taxant d'obscurantisme et d'injustice. Newman dévoile la vie cachée d'Achilli à Rome dans un discours où il dénonce des actes qu'il juge immoraux. Achilli lui intente un procès en diffamation, ce qui oblige son accusateur à rechercher des témoins à grands frais, puis à payer leur logement à Londres lors d'une procédure qui, de plus, traîne en longueur. D'abord menacé de prison, Newman se trouve finalement condamné à payer une lourde amende de 100 livres à laquelle s'ajoutent les frais, soit 14 000 livres. The Times déclare que la justice s'est déshonorée et que la condamnation de Newman est inique. Pour faire face aux dépens, Newman lance une souscription publique qui réussit au-delà de ses espérances, puisqu'il lui reste un surplus qu'il consacre à l'achat de Rednall, petite propriété située dans les collines de Lickey, avec une chapelle et un cimetière où il sera enterré. Ce procès a été une épreuve pour Newman, d'autant qu'il s'est vu vilipendé par certains qui, critiquant son caractère, l'ont décrit comme « trop sensible » et affligé d'un « tempérament morbide ». Lors de son départ pour Dublin, il a confié la charge de l'oratoire de Birmingham à un oratorien qui, de façon prématurée, sans l'aval du Saint-Siège, a procédé à une réforme de l'institution ; en conséquence, Newman, dénoncé pour hétérodoxie, doit partir pour Rome, où il présente sa défense devant le cardinal Alessandro Barnabò, lequel lui témoigne bien peu d'égards. À son retour, il commence la rédaction de ses réflexions sur les relations entre la foi et la raison. Il y donne une place non négligeable aux composantes psychologiques et scientifiques ; mais son travail s'interrompt le 14 septembre 1857 lorsque l'archevêque Nicholas Wiseman lui demande de diriger une nouvelle traduction de la Bible en anglais, mission qui va l'occuper pendant plus d'un an. En 1858 cependant, après des mois de labeur, l'œuvre est abandonnée sur l'intervention d'évêques américains qui, ayant entrepris le même travail, exigent de Nicholas Wiseman qu'il renonce à son projet. D'abord, l'archevêque hésite, puis cède à la pression, si bien que Newman, qui éprouve d'ailleurs bien des difficultés à se faire rembourser les frais engagés, se voit contraint de laisser la traduction inachevée. En 1858, il projette de fonder une maison de la congrégation de l'Oratoire à Oxford, mais se heurte à l'opposition du cardinal Henry Edward Manning et de quelques autres, qui craignent que cela n'incite les catholiques anglais à envoyer leurs fils étudier à l'université d'Oxford ; aussi le projet est-il abandonné. À la même période, Newman connaît aussi quelques déboires liés à sa participation à une revue tenue par des catholiques, The Rambler, qui se fait de plus en plus critique envers l'autorité ecclésiale. Convaincu de la bonne foi des participants, il cherche à concilier la ligne éditoriale avec la position officielle de l'Église, mais certains détournent ses propos et le citent pour étayer leur critique. De ce fait, il est dénoncé auprès du Saint-Office pour hérésie et obligé de fustiger publiquement l'interprétation fallacieuse qui est faite de ses écrits. En fin de compte, il démissionne de la rédaction.

  2. L'Apologia Pro Vita Sua Depuis 1841, Newman a une attitude déconcertante pour bon nombre d'Anglais : converti au catholicisme, il ne dénonce que très rarement l'anglicanisme, préférant se concentrer sur la défense du catholicisme et de ses dogmes, attitude qui, paradoxalement, attise aussi la méfiance de bon nombre de ses nouveaux coreligionnaires. Son isolement s'accentue encore lorsque le cardinal Manning juge sa conception de l'autorité de l'Église non conforme à la doctrine officielle. En 1862 paraît un pamphlet faisant état de son retour à l'anglicanisme, ce qu'il dénonce immédiatement, et en janvier 1864, dans une recension de l'History of England de James Anthony Froude, parue dans le Macmillan Magazine, Charles Kingsley écrit que « le père Newman nous informe que pour son bien, la vérité n'est pas nécessaire, et, dans l'ensemble, ne doit pas être une vertu du clergé romain ». Newman publie alors, sous la forme de pamphlet polémique, le feuilleton de sa conversion et de ses démarches depuis le début du mouvement d'Oxford ; en fait, il s'agit d'une véritable autobiographie spirituelle, publiée sous le nom Apologia Pro Vita Sua, qui retrace la recherche de la vérité ayant conduit à sa conversion. Grand succès de librairie, l'ouvrage lui vaut le soutien et les félicitations de nombreux catholiques dont il a levé les doutes137, tout en lui permettant de renouveler le dialogue avec les anglicans du mouvement d'Oxford, en particulier John Keble et Edward Bouverie Pusey qu'il ne côtoie plus depuis près de vingt ans. À la suite de ce succès, Newman cherche à fonder une école ouverte aux catholiques à proximité de l'Université d'Oxford, projet qui lui tient d'autant plus à cœur qu'il est lui-même venu au catholicisme par ses études au sein de l'université et qu'il considère les anglicans comme des amis partageant, malgré certaines différences, une foi proche de la sienne. Cependant, le cardinal Henry Edward Manning s'oppose à l'entreprise et demande au Vatican de la dénoncer sous le prétexte qu'Oxford est un lieu d'athéisme hostile au catholicisme. C'est donc un échec, comme l'a été le projet de fonder un nouvel oratoire à Oxford, ce qui incite Newman à prendre du recul et à écrire l'un de ses plus célèbres poèmes « Le Songe de Gerontius ». L'Oratoire finit néanmoins par être autorisé, mais le cardinal Alessandro Barnabò, suspectant Newman d'hérésie, lui en interdit l'accès. Newman demande des explications au Saint-Siège et apprend qu'il a été dénoncé dès 1860, d'où la méfiance de la Curie romaine. La tentative de justification qu'il entreprend aussitôt fait long feu pour la simple raison que Nicholas Wiseman a, par étourderie, oublié de lui transmettre les documents nécessaires à sa défense. Une fois cette bévue reconnue, les soupçons du Saint-Siège s'estompent, et aussi bien le cardinal Barnabò que le pape s'évertuent à témoigner des marques d'estime à Newman, par exemple en l'invitant à participer en tant que théologien au Ier concile œcuménique du Vatican, honneur qu'il décline.

  3. Dernières années Newman à l'Oratoire, lors de ses dernières années de vie. En 1870, Newman publie sa Grammaire de l'assentiment, son travail le plus abouti, dans laquelle la foi religieuse est étayée par des arguments souvent différents de ceux qu'emploient les théologiens catholiques. En 1877, lors de la réédition de ses travaux anglicans, il ajoute une longue préface et de nombreuses notes aux deux volumes sur la Via Media en réponse aux critiques anti-catholiques qu'il émettait alors. Lors du Ier concile œcuménique du Vatican (1869-1870), il s'oppose à la définition de l'infaillibilité pontificale présentée par les théologiens qui reviennent de Rome et, dans une lettre privée à son évêque, publiée à son insu, il dénonce « la faction insolente et agressive » qui a soutenu ce dogme. Cependant, il ne s'y oppose pas lors de sa proclamation et, lors de l'attaque du Premier ministre Gladstone accusant l'Église catholique d'avoir « également répudié la pensée moderne et l'histoire ancienne », trouve plus tard l'occasion de préciser son attitude. Dans une lettre au duc de Norfolk, Newman affirme qu'il a toujours cru en cette doctrine mais a craint qu'elle n'affecte les conversions en Angleterre en raison des spécificités historiques locales du catholicisme ; en cela, il affirme la compatibilité entre le catholicisme et la liberté de conscience que certains anglicans, depuis la proclamation du dogme de infaillibilité, ont entrepris de dénoncer. En 1878, à son grand plaisir, son ancien collège le choisit comme « Honorary Fellow » (membre honoraire) de l'université d'Oxford. La même année meurt le pape Pie IX qui n'avait guère confiance en lui, et son successeur, Léon XIII, suivant la suggestion du duc de Norfolk, décide de l'élever au cardinalat, distinction remarquable dans la mesure où il est simple prêtre. La proposition est faite en février 1879 et son annonce publique est largement approuvée dans le monde anglophone. Ainsi, John Henry Newman est créé cardinal le 12 mai 1879, recevant le titre de San Giorgio al Velabro. Il profite de sa présence à Rome pour souligner sa constante opposition au libéralisme en matière religieuse. À Rome, il tombe gravement malade, mais rejoint, peu après son apparente guérison, l'Oratoire en Angleterre, où, frappé par une récidive, il s'éteint le 11 août 1890 à 89 ans. Le cardinal Newman est enterré dans le cimetière de Rednall Hill (Birmingham). Il partage sa tombe avec son ami, le révérend-père Ambrose St. John, qui s'est converti au catholicisme en même temps que lui. Dans le cloître de l'oratoire de Birmingham où sont placées des plaques commémoratives, il voulut que soit inscrite au-dessous de son nom cette épitaphe : Ex umbris et imaginibus in veritatem (« Des ombres et des images vers la vérité »). La théologie de Newman L'influence de Newman, comme controversiste et prédicateur, est immense. Pour l'Église catholique sa conversion est source d'un grand prestige et dissipe de nombreux préjugés. Plus précisément, son influence se fait dans l'idée d'une spiritualité plus large et dans la notion de développement, tant au niveau de la doctrine qu'à celui du gouvernement de l'Église. Il approfondit ainsi la notion de développement homogène du dogme. Le contenu de la foi, présent dès l'origine, trouve progressivement, dans l'histoire de l'Église, une compréhension et une formulation plus ample et plus précise. Bien qu'il ne se soit jamais considéré comme un mystique, Newman développe l'idée que la vérité spirituelle est connue par l'intuition directe, comme une nécessité antérieure à la base rationnelle du credo catholique. Pour les anglicans, mais aussi pour certaines communautés protestantes plus strictes, son influence est également grande, mais d'un autre point de vue : en effet, il a défendu la légitimité des dogmes catholiques et l'importance de la part austère, ascétique, solennelle, du christianisme. Newman affirme que, à part une conviction intérieure irréductible à la raison, il n'existe pas de preuve rationnelle de l'existence de Dieu. Dans le Tract 85, il se confronte aux difficultés du « Credo » et des Écritures, concluant sur le caractère insurmontable de ces dernières si elles ne sont pas transcendées par l'autorité d'une Église infaillible. Dans le cas de Newman, de telles affirmations ne mènent pas au scepticisme, parce qu'il a toujours eu une très forte conviction intérieure. Dans le Tract 85, son seul doute concerne l'identité de la véritable Église. Mais, en règle générale, son enseignement aboutit à ce que l'homme sans cette conviction intérieure ne peut qu'être un agnostique, tandis que celui qui la possède est destiné à devenir, tôt ou tard, catholique.

Théologie du christianisme Conception du christianisme Statue du cardinal Newman à l'Oratoire de Londres. À travers la théologie et les textes fondamentaux, Newman a toute sa vie recherché un christianisme authentique. Pour lui, celui-ci doit se fonder sur la Révélation : la Vérité révélée par Dieu. Il se demande comment la foi originelle des apôtres a pu se résumer sous la forme de différents credo, comment la religion chrétienne s'est développée et dans quelle mesure elle décrit la Révélation sans la trahir. Les Pères de l'Église lui permettent d'aller au fondement de cette vérité. Cette quête de la vérité devient alors son principal objectif et il s'en explique ainsi : « Je suis frappé d'un triste pressentiment que le don de la vérité, une fois perdu, est perdu pour toujours. Ainsi le monde chrétien, graduellement, devient stérile et s'épuise, comme une terre exp