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Saint SYAGRE


Saint Syagre évêque de Nice (✝ 787)

Syagre naquit à Autun d’une des plus illustres familles des Gaules ; car il comptait parmi ses ancêtres cet Afranius Syagrius, élevé sous l’empire à la haute dignité du consulat, et cet autre Syagrius, petit-fils du consul, à qui saint Sidoine Apollinaire rappelle sa noblesse dans une lettre pleine d’une aimable plaisanterie. L’oraison de saint Syagre, dans l’ancien Bréviaire d’Autun, mentionne aussi la haute illustration de sa naissance. On a prétendu, mais à tort évidemment, qu’il était frère de la reine Brunehaut. Quelques-uns le disent parent du grand saint Didier, évêque de Vienne. On n’a de preuves positives ni pour ni contre cette dernière assertion ; mais il est fort possible que leurs familles, toutes deux très distinguées, toutes deux d’Autun, aient été unies par les liens du sang. Nous ne savons rien de sa jeunesse, sinon qu’il était plus remarquable encore par sa piété que par sa noblesse, et que, renonçant de bonne heure à tous les plaisirs, à tous les avantages, à toutes les espérances du monde, il entra dans la sainte milice pour se consacrer entièrement au service des autels, aux intérêts de la gloire de Dieu et au salut des âmes. Formé sans doute comme saint Germain dans l’abbaye de Saint-Symphorien, cette grande écolo du clergé, il fut, comme lui aussi, cher à saint Agrippin qui le fit diacre, et à saint Nectaire qui l’ordonna prêtre. Après la mort de Remi, – d’autres disent Bénigne, – successeur d’Euparde qui lui-même avait remplacé saint Nectaire, nul ne fut jugé plus digne que Syagre d’occuper le siégé d’Autun. Saint Germain se fit un devoir et un bonheur de venir tout exprès de Paris pour prendre part à sa consécration (560). L’importance de l’antique église et l’illustration de la grande cité dont il devint l’évêque, l’autorité et la haute influence qu’il exerçait dans sa patrie devenue son diocèse, l’estime et la vénération qui l’entouraient, l’éminence de son mérite universellement reconnue, sa réputation et la noblesse de sa famille, lui donnèrent bientôt un grand crédit à la cour. Il fut tout-puissant, d’abord auprès de Gontran, et ensuite auprès de Brunehaut. Egalement distingué par sa science et par son zèle, il réunissait autour de lui, soit dans son palais, soit dans l’abbaye de Saint-Symphorien des jeunes gens appartenant aux plus nobles familles qui venaient se mettre sous sa direction pour être guidés dans leurs études et dans les sentiers de la perfection cléricale. On peut citer entre autres Eustache ou Eustade, évêque de Bourges, Didier, évêque de Vienne, dont nous avons déjà parlé, et un autre Didier, évêque d’Auxerre. De tels disciples suffiraient pour illustrer leur maître. En voici encore un auquel s’attache un vif intérêt. Aumachaire ou Aunaire, jeune seigneur élevé à la cour du roi Gontran, prévenu de la grâce, renonça tout à coup aux plus brillantes espérances, s’enfuit secrètement au tombeau de saint Martin à Tours ; et là, se dépouillant des livrées du monde, entra dans le clergé pour se consacrer tout entier au service de Dieu. Ayant entendu parler de Syagre comme de l’évêque des Gaules le plus éminent par sa science et par ses vertus, c’est entre des mains si habiles et si saintes qu’il alla remettre son âme. Le vénérable pontife, plein d’admiration et de tendresse pour un jeune homme capable d’un si grand sacrifice, l’accueillit comme un père accueille le plus aimé des fils, fut heureux de le garder auprès de sa personne et lui communiqua ses lumières et sa sainteté. Cependant on continuait à recourir de toutes parts et jamais en vain au grand Pontife qui occupait avec tant de distinction le siège d’Autun. Un religieux nommé Baudénus, du monastère de Saint-Arédius (probablement Saint-Ange de Gap), arriva un jour à Autun, demandant à lui parler. Il venait du fond de la Provence et tenait à la main une liasse de papiers. “Seigneur, dit-il quand on l’eut introduit, notre monastère est persecuté par des ennemis qui veulent le dépouiller, malgré nos titres de propriété que voici. Plein de confiance en votre bonté et connaissant tout le crédit dont vous jouissez à la cour, je viens implorer votre assistance.” Syagre l’accueillit avec sa charité et sa bienveillance ordinaires, puis le rassura en lui disant qu’il se chargeait de son affaire. Le roi, sur la demande du saint hiérarque, apposa sa signature sur les titres, et le bon religieux s’en alla content. – Une autre fois, un père désolé alla trouver Fortunat, évêque de Poitiers : “Mon fils, lui dit-il, vient d’être jeté en prison ; veuillez, je vous en conjure, obtenir sa liberté par l’entremise du grand évêque d’Autun.” Fortunat écrivit aussitôt à Syagre, lui raconta le fait, exposa l’objet de sa demande et ajouta : “Ce pauvre homme, aigri par la douleur, après avoir exhalé devant moi ses plaintes amères, vous a désigné comme le seul qui puissiez apporter un remède à ses maux. Il croit qu’un mot de votre part suffira.” Syagre, qui trouvait toujours avec bonheur les occasions de faire le bien, ne manqua pas de profiter de celle-ci et obtint sans doute une grâce qui lui était demandée par un ami intime. Notre saint se trouve mêlé à toutes les grandes affaires de son temps. Le monastère de Sainte-Croix, fondé à Poitiers par sainte Radegonde, venait d’être le théâtre d’une lutte singulière. Cette affaire prit de telles proportions que les plus grands évêques des Gaules furent obligés de s’en mêler. Aussi trouvons-nous plus d’une fois le nom de Syagre cité dans les débats ; et cet illustre Pontife fut un de ceux qui contribuèrent le plus à rétablir la paix un moment troublée par des princesses ambitieuses même sous le voile. Il ne montra pas son zèle seulement dans cette circonstance où on le vit avec Grégoire de Tours jouer un rôle important, et obtenir par ses soins et sa prudence un heureux résultat : jamais, toutes les fois que de graves intérêts de I’Église ou des peuples le demandèrent, il n’épargna ni son temps ni sa peine. Les plus longs voyages ne lui coûtaient rien quand il s’agissait de se rendre à ces augustes assemblées où se traitaient les plus grandes questions relatives à la foi, à la morale, à la discipline, où tout s’organisait, où tout s’épurait aussi bien dans l’ordre civil et social que dans l’ordre ecclésiastique ; car les conciles étaient à cette époque comme des conseils d’Etat. Syagre porta très souvent ses lumières et sa haute influence à ses frères dans l’épiscopat réunis en grand nombre à Paris, à Vienne, à Lyon et à Mâcon, où, pleins de l’esprit de l’Église toujours amie de la paix et des pauvres, ils s’occupent des besoins de ceux-ci et cherchent à rapprocher les rois toujours divisés. La signature de l’évêque d’Autun suit immédiatement celle du métropolitain. Le pieux roi Gontran eut toujours pour Syagre la plus haute estime, la plus grande vénération et une déférence sans bornes. Il lui en donna des marques en toute circonstance, et encore deux ans avant sa mort, en 591, lorsqu’il voulut l’emmener à Paris pour le baptême de Glotaire, son neveu et son filleul. Mais le plus beau titre de gloire pour Syagre et le plus imposant témoignage rendu à son mérite, furent l’affection et la confiance de saint Grégoire. Ce grand pape ayant remarqué de jeunes esclaves blonds, au visage doux et pensif, d’une beauté pleine de noblesse et d’attrait, mis à l’encan sur le marché de Rome, conçut aussitôt un projet digne de son zèle immense, celui de gagner à Jésus Christ un pays qui donnait naissance à cette race d’élite. “Quel dommage, disait-il, que de tels hommes ne soient pas chrétiens !” Or, ces jeunes esclaves étaient des Anglo-Saxons. Avant son pontificat, il avait voulu aller en personne leur porter le bienfait de la foi. Mais les Romains craignant de le perdre pour jamais, firent si bonne garde sur les routes qu’il ne put suivre sa magnanime et sainte inspication. Une fois élevé sur la chaire de saint Pierre, il envoya bientôt (596), pour évangéliser l’Angleterre, le moine Augustin et quelques autres religieux c’était là son oeuvre chérie. Aussi choisit-il entre tous les évêques des Gaules, Syagre d’Autun, Virgile d’Arles et Didier de Vienne, pour leur recommander ses bien-aimés missionnaires. Saint Grégoire n’avait pas trop présumé du zèle et de la charité de ces grands évêques il fut parfaitement compris et secondé par eux. On prétend même que Syagre, non content d’aider de ses secours et d’accueillir parfaitement les missionnaires à Autun, alla beaucoup au-delà de ce qui lui était demandé il voulut, après être allé avec eux prier aux tombeaux de saint Symphorien et de nos autres saints, les accompagner en personne jusqu’en Angleterre. Saint Grégoire montra encore combien il comptait sur Syagre pour être secondé dans le gouvernement de l’Église des Gaules, par une longue lettre qu’il lui adressa ainsi qu’à Virgile, à Didier et à Ethérius (Ythaire) de Lyon, pour le charger de convoquer régulièrement des conciles, de travailler avec ses trois dignes collègues à extirper la simonie et l’ordination des indignes, à maintenir dans le clergé la plus grande pureté de moeurs et la plus exacte discipline. On voit par cette lettre quel cas le souverain Pontife faisait de Syagre, quelle haute idée il avait en même temps de son crédit et de son influence, combien il l’honorait ; car il le nomme le premier, bien que les trois autres prélats fussent des métropolitains. C’est lui aussi qu’il charge, par une distinction exceptionnelle, d’envoyer à Rome par l’abbé Cyriaque les actes du prochain concile local dont il avait tant recommandé la convocation. Secondé du puissant concours de Syagre, il ne craint pas de poser une main ferme sur l’Église de France. Evidemment l’évêque d’Autun est à ses yeux le premier évêque de cette grande Église et tient le premier rang dans son estime. Il sait d’ailleurs que nul ne peut l’aider plus efficacement que ce vénérable prélat, à la fois si saint et si éclairé qui jouissait dans les Gaules de la plus vaste réputation, y exerçait le plus légitime ascendant et possédait à la cour une autorité sans égale. C’est pourquoi il le charge encore de plusieurs affaires importantes, relatives à d’autres évêques. Enfin, c’est à lui qu’il s’adresse pour arranger avec les rois francs une difficulté concernant la création du diocèse de Maurienne. Maintenant il nous reste à parler des magnifiques édifices et des fondations pieuses auxquels se rattache le nom de Syagre. Presque en même temps que Childebert et saint Germain de Paris fondaient la célèbre basilique de Saint-Vincent (depuis Saint-Germain des Prés), qui fut confiée aux religieux de Saint-Symphorien, une église dédiée également à saint Vincent s’élevait aux portes du monastère autunois. Syagre fut sans doute le fondateur de ce monument religieux qui venait s’ajouter à tant d’autres sur ce sol sacré. Il voulait, à l’exemple de saint Germain, associer le culte du jeune martyr d’Autun au culte, alors fort répandu, du jeune diacre martyr de Saragosse. Les premiers rois mérovingiens, lorsqu’ils établirent leur résidence à Châlon, abandonnèrent aux évêques d’Autun le prétoire et le castrum de la cité. C’est là que saint Nazaire avait dédié une basilique sous le vocable de saint Nectaire et en avait fait sa cathédrale. Syagre, qui unissait au zèle pour la splendeur du culte, le goût des arts, l’amour du beau et du grand, mit ses soins et son bonheur à orner le nouvel édifice, à l’agrandir, à le rendre digne de l’illustre église d’Autun et de la superbe cité qu’embellissaient encore les imposantes constructions gallo-romaines. Il y ajouta, du côté de l’Orient, une grande abside qui fut décorée avec une richesse et une splendeur extraordinaires. Les lambris étaient brillants d’or, et partout de magnifiques mosaïques étalèrent leurs dessins variés. On épuisa toutes les ressources de l’art, dans une ville remplie de riches dépouilles de l’antiquité, et où s’étaient conservés des traditions savantes, un goût plus épuré que nulle part ailleurs. Ces traditions, jointes au zèle pour la maison de Dieu, produisirent des merveilles. Aussi la beauté de la cathédrale d’Autun devint dès lors très célèbre. Non content de décorer magnifiquement la maison de Dieu, notre saint évêque y assura la splendeur du culte par le don de la terre considérable de Laisy. Déjà sans doute Syagre avait été aidé pour la décoration de son église par la royale munificence de Brunehaut, princesse en qui tout fut grand, les vues, les oeuvres, les passions et les crimes ; mais bientôt il le fut plus largement encore pour la fondation de trois établissements religieux dont l’importance égalait l’étendue, le grandiose et la magnificence. Conformément à la manière d’agir observée autrefois par le grand évêque de Tours, recommandée par le pape saint Grégoire, invariablement suivie par l’Église, toujours fidèle à son plan de transformer sans détruire, il voulut tourner au profit de la foi nouvelle les anciennes habitudes développées par le culte des faux dieux, attaquer sur leur propre terrain les croyances païennes, sanctifier par des édifices chrétiens les lieux souillés par les idoles, et faire de cette manière à Jésus Christ une réparation plus frappante, plus solennelle. Il construisit donc avec les ruines et sur l’emplacement même du temple de Bérécynthe, là où l’on croit qu’était déjà un baptistère, la grande abbaye de Sainte-Marie, appelée aussi plus tard Saint-Jean le Grand, où s’abrita un essaim nombreux de chastes vierges consacrées à Dieu. Ainsi une atmosphère, jadis corrompue par les exhalaisons du paganisme, serait purifiée par l’encens de la psalmodie montant sans cesse devant Dieu et par le céleste parfum de cette blanche fleur qu’on appelle la virginité chrétienne ; ainsi disparaîtraient sous des flots de prières et seraient lavées par les innocentes larmes de la pénitence, les taches imprimées sur ce sol par une immonde déesse dont le culte fut trop longtemps une insulte à la vertu ; ainsi seraient rappelés le martyre et la gloire du jeune Symphorien assez héroïquement hardi et vertueux pour honorer le christianisme et l’humanité, en refusant même en face de la mort son hommage à l’infâme idole. Syagre voulut donner à la nouvelle abbaye un nom saint et chéri, afin de rappeler que l’église d’Autun fut fondée par les disciples de Celui qui avait eu Marie pour mère adoptive, et présenter en même temps le plus beau type de la vierge consacrée à Dieu. Ce n’était point assez pour Syagre d’avoir ouvert un vaste et saint asile aux chastes épouses de Jésus Christ, le vénérable hiérarque voulait encore perpétuer à Autun les traditions de charité venues aussi, comme celle de la virginité chrétienne, d’Ephèse et de Smyrne. C’est pourquoi il fonda un hospice, saint asile ouvert aux malades, aux pauvres, aux voyageurs, aux nombreux pèlerins qu’attiraient les miraculeux tombeaux de saint Symphorien et de saint Cassien. Ce nouvel établissement était également voisin d’un temple, celui de Minerve, à ce que l’on croit, ou selon d’autres celui d’Apollon, afin de remplacer la sagesse antique, orgueilleuse, froide, sèche, sans entrailles, par l’humble et douce charité évangélique, toujours compatissante et active. Le pieux édifice occupait, d’après la tradition, le lieu même où fut la demeure de Fauste et d’Augusta, où saint Symphorien reçut le jour et plus tard le baptême, où s’éleva dans Autun, sous le vocable du prince des apôtres, le premier autel en l’honneur de Jésus Christ. Le nouveau palais des pauvres, édifié par la charité, reçut le nom de l’apôtre d’Autun, victime lui aussi de ce sublime amour de Dieu et des hommes qu’on appelle le zèle sacerdotal. Les souvenirs chrétiens se pressaient donc autour de l’hospice de Saint-Andoche comme dans l’abbaye de Sainte-Marie ; ils y faisaient aussi oublier les souvenirs païens ; ils purifiaient, ils consacraient ce sol autrefois profané. Enfin ce fut sur les ruines du temple et de l’école druidique de Saron que Syagre érigea le vaste monastère, monument d’une imposante grandeur, paisible retraite ouverte à une de ces colonies d’hommes d’élite, à qui saint Benoît venait de donner un code admirable et d’apprendre à mener sur la terre une vie presque céleste, utile aux hommes, glorieuse à Dieu, où s’unissaient par une heureuse alliance, pour conduire le chrétien à la perfection évangélique, la solitude et la vie commune, le travail, l’étude et la prière. La nouvelle abbaye ne pouvait recevoir un autre nom que celui du grand Saint qui avait fondé le premier monastère des Gaules, évangélisé le pays éduen et brisé en cet endroit même la vieille idole gauloise. Syagre fit pour l’évêque de Tours ce qu’Euphrone avait fait pour saint Symphorien : l’un et l’autre voulurent consacrer par de pieux monuments ce sol tout plein de deux mémoires inséparablement unies, celle de l’apôtre et celle du martyr. Deux abbayes s’élevèrent à côté l’une de l’autre, la fille de saint Euphrone et sa digne soeur, l’abbaye de Saint-Martin. Le monastère de Saint-Martin fut construit pour recevoir trois cents moines. L’église était bâtie en gros blocs de pierre de taille, comme les portes de la cité. Le vieux temple de Savon, converti par saint Martin en une église sous le vocable de saint Pierre et de saint Paul, entra, comme un souvenir, dans la construction nouvelle. Le mur oriental fut démoli et remplacé par une abside à voûte basse, rappelant les catacombes. D’ailleurs l’édifice ressemblait assez aux anciennes basiliques du quatrième siècle. Il avait en dedans cent huit pieds de long sur cinquante-quatre de large, et offrait trois parties distinctes. La première partie, – un portique avec colonnes et un grand arc à plein cintre, – était séparée de la seconde par un mur transversal percé de trois portes, dont l’une, celle du milieu, était surmontée d’une peinture dédicatoire où l’on voyait la royale fondatrice, Brunehaut, offrant de la main droite des religieux, et de l’autre, le monastère à saint Martin et à saint Benoît. La seconde partie, ou corps de l’édifice, était divisée, par deux rangs de colonnes de marbre, en trois nefs correspondant aux trois portes et terminées chacune par une abside. La troisième partie, ou le sanctuaire, était séparée de la nef par une balustrade en marbre, au-dessus de laquelle s’élançait l’arc triomphal soutenu par deux magnifiques colonnes également en marbre. La voûte de l’abside présentait de brillantes mosaïques sur des fonds d’or et d’azur ; l’arc triomphal, des arabesques et des bas-reliefs ; et la nef, des lambris à compartiments dorés. Le pavé du sanctuaire était en mosaïque, et celui de la nef en marbre. L’autel, petit et fort bas, comme les autels antiques, érigé par saint Martin dans le temple de Saron, était adossé au mur terminant l’abside. La sainte Vierge, dont le culte avait été apporté en ces lieux, avec une si tendre vénération, par des apôtres tenant de si près à saint Jean, ne pouvait être oubliée dans la nouvelle église : on lui dédia la crypte, chapelle souterraine et funéraire, rappelant la Confession où l’on recueillait les précieux restes des martyrs. Là elle semblait veiller, comme une bonne mère, sur le sommeil de ses enfants couchés dans leurs lits de pierre en attendant le réveil de l’éternité. Heureuse et consolante pensée de mettre ainsi sous la protection et comme sous l’oeil de la douce Mère de Jésus, les morts qui dorment dans la paix du Seigneur. Quelque temps après, le souverain Pontife, pour récompenser un prélat si grand par ses lumières, ses vertus et son zèle, par les services qu’il avait rendus à l’Eglise, par les bonnes oeuvres dont il avait été le promoteur ou l’instrument, et qui depuis longtemps possédait toute son estime, toute sa confiance, lui accorda le pallium ; mais Syagre ne jouit pas longtemps de la décoration privilégiée que lui avait envoyée le vicaire de Jésus Christ. Un an après, eu 600, il alla recevoir de Jésus Christ lui-même la récompense éternelle. Aucun évêque de cette époque, si féconde pourtant en saints, ne jouit parmi ses contemporains et ne laissa dans la postérité une plus grande réputation de science et de vertu. Fortunat de Poitiers fait de lui le plus grand éloge ; il le qualifie de très digne et très saint évêque. Adon de Vienne l’appelle un homme de la plus éminente sainteté. Un concile de Metz lui donne aussi le titre de saint ; et, citant un ancien canon relatif aux Juifs, il ne s’appuie que de l’autorité de Syagre, comme si le concile dont il s’agit et où siégeaient cependant plusieurs métropolitains, se fût résumé tout entier dans la personne de ce grand prélat qui était à la tête de tout l’épiscopat des Gaules. Sans jamais flatter les passions des princes, il sut employer et n’employer que pour le bien sou immense crédit auprès d’eux.

CULTE ET RELIQUES

Saint Syagre fut inhume dans l’église de l’hospice Saint-Andoche qui était une création de sa charité et qu’il avait doté de ses propres biens. Père des pauvres, il avait voulu sans doute reposer au milieu de sa famille adoptive. Là, tous les jours, ceux qui lui devaient un asile et des secours aimaient à prier sur sa tombe et bénissaient sa mémoire. On y conserva la plus grande partie de ses chères et précieuses reliques, entre autres sa tête qui fut enfermée plus tard dans un reliquaire d’argent en forme de buste, donné par l’abbesse de Saint-Jean le Grand. Car on lit dans l’obituaire de Saint-Andoche, vers l’an 1400, au 25 mars “Jeanne de Montigny, abbesse de Saint-Jean d’Autun, qui a donné le chief d’argent où est mie le chief de Monsieur saint Syagre.” Le Val-de-Grâce, à Paris, possédait aussi quelques reliques insignes de notre saint évêque. Dans un hameau de la paroisse de Grury, il y avait une chapelle sous son vocable, à la nomination de la famille de Jarsaillon. La paroisse de Mallet fêtait comme patrons saint Syagre et saint Sulpice.

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