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Saint SYMEON


Saint Syméon Évêque de Séleucie et ses compagnons martyrs au temps du roi Sapor (4ème s.) Siméon bar Sabas et les martyrs perses anonymes au temps du roi Sapor.

Le nombre des chrétiens était grand en Perse au IVe siècle, mais l’empereur Sapor pendant son long règne de 310 à 380, confondit l’empire romain et la foi chrétienne. Il y eut ainsi trois grandes persécutions, dont l’une condamnait les chrétiens à devenir esclaves. Saint Siméon écrivit à l’empereur. Ce pourquoi il fut arrêté, chargé de chaînes et traîné de Séleucie jusqu’à Suse. Le vieil évêque fut mené devant l’empereur lui-même qui le condamna à être décapité. Il fut tiré de la prison en même temps qu’une centaine d’autres chrétiens, prêtres et évêques qui furent tués, les uns après les autres, saint Siméon le dernier, pour avoir refusé d’adorer le soleil.

Le roi des rois avait besoin d’argent pour mener ses guerres contre les Romains. Il doubla les impôts sur les chrétiens qui furent réduits souvent à l’indigence devant la cruauté des percepteurs. Beaucoup renièrent leur foi pour survivre. D’autres, comme l’évêque de Séleucie, saint Syméon Bar Sabbée, refusèrent de se soumettre. Les mages, de leur côté, engagèrent le roi à faire disparaître ces chrétiens qui, par centaines, étaient entassés dans les prisons. Le Vendredi Saint, le catholicos fut décapité et ce martyre marqua le début d’une persécution générale pendant près de quarante ans.

En Perse, l’an 341, la passion de saint Siméon bar Sabas, évêque de Séleucie et Ctésiphon. Par ordre du roi des Perses Sapor II, il fut arrêté, chargé de fers et, comme il refusait d’adorer le soleil et qu’il rendait témoignage au Seigneur Jésus Christ d’une voix libre et assurée, il fut d’abord enfermé dans une prison pour esclaves avec une troupe de plus de cent compagnons, parmi lesquels des évêques, des prêtres et des clercs de divers ordres. Ils y furent détenus longtemps, puis, le vendredi de la Passion du Seigneur, tous les compagons de Siméon furent égorgés sous ses yeux, pendant qu’il exhortait vivement chacun d’eux. Il fut enfin lui-même décapité, le dernier de tous. Avec lui souffrirent encore Abdécalas et Ananie, ses prêtres, personnages très distingués.

EN L’ANNÉE 341

Je vais dire l’origine de l’asservissement de notre Église, et la cause des malheurs que Dieu nous envoya comme châtiment et comme épreuve. L’orage qui fondit sur nous ne peut être comparé qu’à l’horrible persécution du temps des Machabées : ces temps-là, en effet, étaient vraiment les jours de la vengeance divine que le prophète avait annoncés par cet oracle : « Malheur à qui vivra dans ces jours de la colère de Dieu ! Des légions viendront des régions de l’Occident, et désoleront la terre. » Ces paroles désignaient les Grecs, dont les Machabées essuyèrent la fureur.

En la cent quarante-troisième année de l’empire des Grecs, et la sixième de son règne, Antiochus ayant pris Jérusalem, pilla la table d’or et tous les instruments du culte, souilla le temple, dont il chassa les prêtres, y érigea des autels et y introduisit des étrangers ; non content de ces impiétés, il ensanglanta la terre sainte et exposa aux bêtes et aux oiseaux de proie les corps des saints. Vaincus par tant de maux, plusieurs cédèrent au roi, et, abjurant la loi de Dieu, se souillèrent par d’impies sacrifices ; d’autres, au contraire, des hommes, des femmes, d’une haute naissance, confessèrent leur foi, et moururent. Mille d’entre eux périrent le même jour pour l’observation du sabbat. Nous mourons, disaient-ils, forts de leur innocence, nous mourons dans la simplicité de notre coeur ; mais nous prenons le ciel et la terre à témoin de notre innocence et de votre injustice. Des femmes furent tuées pour avoir circoncis leurs enfants, et ces petits enfants furent attachés au cou de leurs mères. D’autres encore mouraient pour avoir refusé de manger, contrairement aux défenses de la loi, une nourriture immonde. Et il y eut un grand deuil dans Israël, et les princes, les anciens, les jeunes gens et les vierges gémirent, et la beauté des femmes se voila dans les pleurs, et l’épouse pleura sur la couche nuptiale, et toute la maison de Jacob fut remplie d’affliction et de confusion, et Matathias gémit et s’écria : « Hélas ! hélas ! malheur à nous ! Pourquoi nous a-t-il été donné de voir les maux de notre peuple, et la désolation de la ville sainte et de son temple livré aux mains des étrangers ! Notre gloire et notre force sont perdues : pourquoi vivons-nous encore ? » Toutefois reprenant courage : « Pensez, disait-il, que ceux qui ont mis en ,Dieu leur confiance ne seront pas confondus. Ne tremblez pas aux paroles d’un pécheur, car sa gloire tombera en poussière, et il sera mangé par les vers ; aujourd’hui il est élevé ; demain il ne sera plus ; il retournera dans la terre, et toutes ses pensées périront. » Et Matathias, qui parlait ainsi, donna l’exemple du courage. Ayant vu un concitoyen, un Juif, abjurer sa religion et sacrifier publiquement aux idoles, devant l’outrage fait à Dieu, cet homme si zélé pour la loi, enflammé d’une sainte colère, se jeta sur le coupable, et l’immola, au milieu de son impie sacrifice, et au pied des autels ; il tua celui qui se livrait au culte des faux dieux ; il le renversa sur le corps de la victime ; il souilla, par le contact d’un sang impur, celui qui souillait la sainte loi. Et sur-le-champ, se jetant sur le ministre du roi, qui contraignait le peuple à d’impies sacrifices, il le tua aussi. Matathias fut donc le pontife pur qui, par le sang d’une victime impure, apaisa la colère du ciel et rendit Dieu propice à son peuple.

Dans ces jours malheureux, dans ces jours d’anxiété et de terreur, au milieu du bruit des armes, la joie, la sécurité, le repos, disparurent : partout le glaive, la solitude et la mort ; le tombeau dilata ses entrailles pour engloutir les victimes, et reçut les justes confondus avec les pécheurs ; les justes reposèrent doucement, les pécheurs furent engloutis dans les ténébreux abîmes, parce qu’ils avaient induit Jacob dans l’iniquité, et plongé Israël dans l’apostasie.

Mais enfin, les trésors des miséricordes du Seigneur étant depuis trop longtemps fermés, quand sa vengeance eut répandu assez de colère, quand le glaive eut été rassasié et l’épée enivrée, alors tomba la pluie des grâces, la miséricorde coula à flots ; un brillant soleil parut qui fondit à ses rayons les glaces de la superstition païenne, tarit la source de l’infidélité, dessécha les eaux de l’idolâtrie, dissipa la fange impure, essuya les plaies fétides, et fit briller de nouveau la pureté et la sainteté dans le temple, Judas Machabée fut cet astre. Judas, comme un jeune lion, rugit contre les bêtes malfaisantes, et son rugissement les mit en fuite. Judas étendit la gloire du peuple, il exalta sa nation. Prêtre et guerrier, il revêtit l’éphod sacré pour se rendre Dieu propice ; il endossa la cuirasse terrible pour donner la mort comme un géant. Sa force l’a égalé au lion : il s’est couché sur les nations immolées, il a dévoré les chairs des princes ; dans sa colère, il a recherché les restes des pécheurs ; la terreur de son nom a fait trembler les superbes, et les puissants sont tombés de frayeur ; sa main a donné le salut, et il a désolé bien des rois. Il a tué des milliers d’ennemis dans les montagnes, et des myriades dans la plaine ; ses exploits réjouirent Juda, ses hauts ,faits firent tressaillir Israël ; la terre sauvée par lui se reposa et se délassa de la servitude. Son nom vola aux extrémités du monde ; mais lui tomba avec gloire, en soldat, pour Dieu et pour son peuple : son nom soit béni à jamais !

Cette persécution d’Antiochus est l’image de la nôtre. En effet, le peuple chrétien fut écrasé par d’excessifs impôts, et les prêtres accablés de vexations ; l’on vit les superbes insulter les humbles, les impies piétiner les saints, la calomnie opprimer l’innocence. La plus dure servitude remplaça la sainte liberté donnée par le Christ à son Eglise, et tous les efforts furent tentés, tous les moyens mis en oeuvre pour empêcher l’observance de la loi de Dieu, pour arrêter par la ruse, par la violence, par toutes les voies, ou même pour égarer complètement ceux qui marchaient dans le droit chemin de la vérité.

Ce fut la cent dix-septième année de l’empire des Perses, et la trente et unième année du régne de Sapor, roi des rois, que cette calamité tomba sur notre Eglise. Siméon Bar-Sabbâé, (fils du Foulon), nom qu’il justifia parfaitement, était alors évêque de Séleucie-Ctésiphon ; si son père teignait la pourpre qui orne les rois impies, lui-même il rougit de son sang celle qu’il porta dans le ciel. Siméon donna volontairement sa vie pour Dieu et pour son peuple ; et, révolté des attentats de l’impiété contre l’Eglise, il imita Judas Machabée, qui, lui aussi, dans des temps non moins malheureux, chercha la mort. O couple illustre de pontifes, Judas, Siméon ! Tous deux reconquirent la liberté de leur peuple, l’un par ses armes, l’autre par son martyre. L’un fut vainqueur et s’illustra par sa victoire ; l’autre triompha en succombant. Judas, en versant le sang de l’étranger, éleva son pays au faîte de la puissance et de la gloire ; Siméon, en versant son propre sang, brisa le joug de la servitude qui pesait sur son Eglise. Tous deux avaient reçu le souverain sacerdoce, tous deux portaient l’éphod sacré, tous deux servirent dignement à l’autel et honorèrent leur ministère auguste par leurs vertus ; tous deux, pieux et fervents, se purifiaient dans les eaux saintes et présentaient à Dieu le sang de la vigne ; tous deux portaient le peuple à la vertu par des paroles brûlantes ; tous deux, terribles dans le combat, volèrent au-devant de la mort, provoquèrent les bourreaux, se jetèrent tête baissée sur le glaive ; tous deux enfin lavèrent leur âme dans leur sang. Fidèles à la parole du Maître, ils l’accomplirent avec amour ; ils se dévouèrent à la pratique et à la défense de la loi divine. L’un remplit le précepte du Seigneur comme un juge, rendant la mort pour la mort, mourant lui-même pour le salut des siens ; et l’autre, comme un obéissant serviteur, selon la parole évangélique : « Si l’on vous frappe sur la joue droite, présentez encore la joue gauche, » tendit sa tête au glaive du bourreau. Par les expiations de son sacerdoce ; l’un soulageait les âmes captives dans les limbes ; l’autre rappelait à la vie ceux qui dormaient de la mort du péché. L’un mourut en soldat en massacrant les ennemis ; l’autre accomplit obscurément son sacrifice. Oh ! qu’elle est belle et glorieuse la mort des saints, surtout après la victoire du Sauveur sur le péché ! Judas, fort de la force de Dieu, souverain Seigneur, délivra sa nation des tributs qu’elle payait aux rois grecs et syriens ; Siméon, triomphant avec le secours du Fils de Dieu, du Sauveur Jésus, affranchit’ son peuple accablé par d’intolérables exactions, et gémissant sous le joug des rois de Perse. Vrais pasteurs, ils sont morts pour préserver leurs brebis de la ruine ; ils se sont dévoués avec amour, pour écarter leur troupeau des pâturages empoisonnés, des eaux troublées par les pieds des infidèles ; ils périrent pour que Ces brebis, sauvées par la mort et ramenées au bercail, goûtassent les fruits de leur victoire. LE MARTYRE

Ainsi donc, Siméon, le pontife illustre, plaçant toute sa confiance en Dieu, fit répondre au roi : « Le Christ a racheté son Eglise par sa mort, et acquis la liberté à son peuple par son sang ; il a fait tomber de nos têtes le joug de la servitude, et nous a délivrés des lourds fardeaux. De plus, en nous promettant de magnifiques récompenses pour la vie future, il a enflammé nos espérances : car son empire est éternel et ne périra jamais. Donc, tant que Jésus sera le Roi des rois, nous sommes résolus à ne pas courber la tête sous ton joug : Dieu nous garde de renoncer à la liberté qu’il nous a donnée pour devenir tes esclaves ! Le Seigneur à qui nous avons juré obéissance et fidélité est l’auteur et le modérateur de ta puissance : nous ne souffrirons pas l’injuste domination de ceux qui ne sont, comme nous, que ses serviteurs. Sache-le encore, notre Dieu est le créateur des choses que tu adores à sa place, et selon nous ce serait une impiété et un crime d’égaler au Dieu suprême les choses qu’il a créées, et qui., te sont semblables. Et puis, tu nous demandes de l’or ; sache que le Seigneur nous a défendu d’avoir ni or ni argent, enfin l’Apôtre nous a dit : « Vous avez été achetés un grand prix, ne vous faites pas les esclaves des hommes. » Ainsi parla Siméon.

On le rapporta sur-le-champ au roi, qui s’indigna et fit répondre à l’évêque : « Tues fou, d’exposer par ton audace téméraire ta vie et celle de ton peuple, et d’attirer sur toi et sur lui une mort certaine. Ton incroyable orgueil te pousse à l’entraîner dans la désobéissance. Eh bien ! je vais sur-le-champ rompre ce pernicieux complot, et vous bannir à jamais de la société et de la mémoire des hommes. » Ainsi parla le roi.

Siméon, nullement troublé, répondit : « Jésus s’est offert à la mort la plus cruelle pour racheter le monde, et moi, néant, je craindrais de donner ma vie pour ce peuple, quand je me suis dévoué volontairement à son salut ! Sache bien, sire, que Siméon mourra plutôt que de livrer son troupeau à tes exacteurs. Je ne tiens pas à la vie si je ne puis que vivre criminel, et pour la prolonger de quelques jours, je ne laisserai pas accabler des misères de la servitude ceux que mon Dieu a affranchis. Oserais-je rechercher l’oisiveté et les délices ? Dieu me garde d’assurer ma sécurité en perdant ceux qu’il a rachetés de son sang, d’acheter les commodités de la vie au prix des âmes que le Christ a aimées, de m’assurer des jouissances par l’affliction de ceux que la mort du Sauveur a délivrés de l’esclavage. Non, je ne suis pas tellement lâche, je n’ai pas aux pieds ide telles entraves, que je n’ose marcher sur les traces de Jésus, que je tremble de suivre la voie de sa passion, que je frémisse de m’associer au sacrifice par lequel ce véritable pontife s’est immolé. Je veux tendre ma tête au glaive ; et mourir pour mon peuple. Et que mon sacrifice est peu de chose comparé à celui de mon maître ! Quant à la ruine dont tu menaces mes fidèles, c’est ton impiété qui en sera cause, et non mon dévouement pour Dieu et son peuple ; et par conséquent ton sang et non le mien devra laver ce crime ; mon peuple et moi en serons innocents. Mon peuple est prêt comme moi à donner sa vie au salut de son âme : tu le sauras bientôt. »

Alors le roi, pareil au lion qui, ayant flairé le sang humain, ne respire plus que le carnage, se livra à une colère folle, et l’agitation de son âme se manifesta par le trouble de tout son corps. Il grinçait des dents, frémissait, menaçait de tout renverser, de tout détruire ; il cédait aux mouvements les plus désordonnés de la fureur, impatient de boire le sang innocent et de dévorer les chairs des saints. Enfin il fit entendre un rugissement effroyable, et publia un édit terrible, qui ordonnait de poursuivre aussitôt les prêtres et les lévites, de renverser les églises de fond en comble, de souiller et de faire profaner les instruments du culte divin. « Siméon, disait le roi, Siméon, ce chef de magiciens, méprise la majesté royale ; il n’obéit qu’à César, n’adore que le Dieu de César, il insulte et outrage le mien : qu’on me l’amène et qu’on instruise son procès en ma présence. »

L’occasion était belle pour les Juifs, ces constants ennemis des chrétiens ; ils mirent tout en œuvre pour animer encore la colère du prince, et assurer la perte de Siméon et de son Eglise ; on les retrouve toujours, dans les temps de persécution, fidèles à leur haine implacable, et ne reculant devant aucune accusation calomnieuse. C’est ainsi qu’autrefois leurs clameurs forcenées contraignirent Pilate à condamner Jésus-Christ. Voici, dans la circonstance présente, ce qu’ils osaient dire : « Sire, si tu écrivais à César les lettres les plus magnifiques, accompagnées des plus beaux présents, César n’en ferait aucun cas. Que Siméon, au contraire, lui écrive un billet, quelques mots seulement, aussitôt César se lève, il adore cette misérable page, il la prend respectueusement dans ses deux mains, et commande que sur-le-champ on y satisfasse. » Combien ces délateurs de Siméon ressemblent à ces témoins menteurs qui se levèrent contre le Seigneur ! Pauvres Juifs, provocateurs de la mort du Sauveur, de quel degré d’honneur et dans quel abîme d’ignominie ils sont tombés ! Les voilà, chargés de leur déicide, exilés, fugitifs, vagabonds par toute la terre ! Quant aux accusateurs de Siméon, l’infamie, le mépris, la malédiction universelle furent leur juste châtiment ; et le saint évêque fut assez vengé par ce glaive qui en fit périr soudain un si grand nombre, lorsque, entraînés par un imposteur, ils accouraient en foule pour rebâtir Jérusalem.

Siméon fut enchaîné et conduit au pays des Huzites, avec deux des douze prêtres de son église, qui se nommaient Ardhaïclas et Hananias. En traversant Suse, sa patrie, une église chrétienne se trouva sur son passage ; il pria ses gardes de faire un détour, parce que peu de jours auparavant les mages avaient livré cette église aux Juifs, qui en avaient fait une synagogue. « Je crains, disait l’évêque, que la vue d’une église ruinée n’ébranle mon courage, réservé à des épreuves plus rudes encore. »

Ses gardes se hâtèrent, et, en peu de jours, Siméon arriva à Lédan. Dès que le grand préfet l’apprit, il annonça au roi l’arrivée du chef des chrétiens ; aussitôt Siméon fut introduit ; mais il ne se prosterna pas devant le roi, qui s’en indigna. « Je vois, dit-il, la vérité de tout ce que l’on m’a rapporté contre toi. Autrefois, vil esclave, tu te prosternais sans difficulté en ma présence : pourquoi aujourd’hui me refuses-tu cet honneur ? — C’est, répondit Siméon, qu’autrefois je ne paraissais pas devant toi enchaîné, ni pour être forcé, comme aujourd’hui, à renier le vrai Dieu. »

Les mages, présents en grand nombre, disaient au roi : « Sire, il conspire contre l’empire et contre toi, il refuse de payer les impôts ; qui doutera qu’il mérite la mort ? — Misérables, s’écriait Siméon, n’est-ce point assez pour vous d’avoir abandonné Dieu et perdu ce royaume ? faut-il encore que vous cherchiez à nous faire partager le même crime et le même malheur ? »

Le roi, adoucissant alors son visage, lui dit : « Assez, Siméon. Crois-moi, je te veux du bien. Adore le soleil, et tu te sauves, toi et les tiens. »

SIMÉON : « Je ne peux pas t’adorer, sire, quoique tu sois bien supérieur au soleil, puisque tu as esprit et sagesse, et je serais assez fou pour adorer un dieu sans âme, sans intelligence, incapable de nous discerner toi et moi, ni de te récompenser toi qui le sers, et de me punir moi qui lui insulte ! Tu disais qu’en t’écoutant je sauverais mon peuple ; mais apprends que nous, chrétiens, nous n’avons qu’un seul Sauveur, le Christ, attaché à la croix ; et moi, le dernier de ses serviteurs, je mourrai pour lui, pour mon peuple, pour moi-même. Arrière la frayeur ; je me sens invincible, j’éviterai la bassesse et le déshonneur, je mériterai la gloire. Je ne suis pas un enfant qu’on gagne par des bagatelles ; je suis vieux et je garderai la dignité de mon caractère, j’achèverai fidèlement, saintement, mon oeuvre. Au reste, ce m’est pas à moi, qu’une lumière supérieure et divine éclaire, à en disputer avec toi. »

LE ROI : « Si au moins tu adorais un Dieu vivant, ta folie serait excusable ; mais tu dis que ton Dieu est mort supplicié. Laisse ces chimères, Siméon, et adore le soleil, par qui tout ce qui est subsiste ; si tu y consens, je te promets richesses, honneurs, dignités, tout ce que tu voudras. »

SIMÉON : « Jésus est le créateur du soleil et du genre humain : quand il expira entre les mains de ses ennemis, le soleil, comme un serviteur qui prend le deuil à la mort de sons maître, s’éclipsa ; pour lui, il ressuscita des morts après trois jours, et monta aux cieux au milieu des concerts des anges. En vain tu espères me séduire par tes présents, tes dignités, tes honneurs ; j’en attends de bien plus magnifiques, et si grands, que tu n’en as pas l’idée ; mais moi, ma religion et ma foi me l’apprennent.

LE ROI : « Siméon, que tu es sot ! Pour un fol attachement à tes idées, à tes rêvés, tu vas faire périr tout un peuple. Siméon, épargne la vie, épargne le sang d’une multitude que je punirai à cause de toi, avec rigueur. »

SIMÉON : « Si tu verses le sang des chrétiens, tu sentiras l’énormité de ton crime au jour où tes oeuvres seront examinées à la face de tout l’univers, en ce jour, sire, où tu rendras compte de ta vie. Des chrétiens ne font qu’échanger la jouissance d’une vie qui passe contre un royaume éternel. Quant à moi, rien ne nie fera renoncer à la vie qui m’est réservée dans le Christ ; pour cette vie fragile et mortelle, je te l’abandonne ; elle est dans tes mains ; elle est à toi ; prends-la donc, si tu la veux, hâte-toi de la prendre. »

LE ROI : « Quelle audace ! Il méprise sa vie. Mais j’aurai pitié de tes sectateurs, et j’espère, par la sévérité de ton châtiment, les guérir d’une pareille folie. »

SIMÉON : « Essaie, et tu verras si les chrétiens sacrifieront la vie qui les attend dans le sein de Dieu, pour celle qu’ils partageraient avec toi ici-bas. Allume la flamme de tes bûchers, jettes-y cet or, et tu reconnaîtras que la fermeté des chrétiens est invincible, et que tes cruautés n’en triompheront jamais. Nous avons tous de la vérité de notre foi une persuasion intime et profonde, et à cause de cela nous souffrirons tous les tourments plutôt que de la trahir. Je ne veux te dire que ce mot, sire : notre nom de chrétien, ce nom auguste et immortel chi nous vient du Christ notre Sauveur, nous ne consentirions jamais à l’échanger contre ton grand nom lui-même. »

LE ROI : « Eh bien, si tu ne me rends en présence de ma cour les honneurs accoutumés, ou si tu refuses de m’adorer avec le soleil, divinité de tout l’Orient, dés demain, je défigure ta face si belle, je mets en sang tout ton corps, d’un aspect si vénérable et si auguste. »

SIMÉON : « Tu dis que le soleil est Dieu, et tu l’égales à toi, qui es un homme ; car tu réclamais tout à l’heure le même culte que lui. En réalité cependant, tu es plus grand que lui. Ensuite tu me fais des menaces, tu veux défigurer je ne sais quelle beauté de mon corps. Qu’importe ? Ce corps a un réparateur qui le ressuscitera un jour, et lui rendra avec usure cet éclat de beauté d’ailleurs bien méprisable : c’est lui qui l’a créé de rien, c’est lui aussi qui l’a orné. »

A la fin, le roi fit mettre aux fers Siméon, et on le garda dans, un cachot jusqu’au lendemain ; il ne doutait pas que la réflexion le changerait.

Il y avait à la porte du palais par où devait passer Siméon un vieil eunuque qui avait élevé le roi, et qui exerçait la charge d’arzabade, ou grand chambellan ; c’était un homme très considéré dans le royaume ; il s’appelait Gouschtazad. Par crainte de la persécution, il avait abjuré la foi, et adoré publiquement le soleil. Quand Siméon passa devant lui, il s’agenouilla et le salua. Mais le saint évêque, pour ne pas voir l’apostat, détourna les yeux avec horreur. Ce reproche toucha l’eunuque, il se rappela son apostasie, gémit, pleura et se dit à lui-même : « Si Siméon, qui a été mon ami, a conçu une telle indignation contre moi, que fera Dieu, que j’ai trahi ? » Là-dessus, il court à sa maison, quitte ses habits somptueux, prend ses vêtements noirs, et avec ces marques de deuil revient s’asseoir dans le palais, à la même place.

Cette action étonna tout le monde ; le roi lui-même en eut connaissance, et il envoya demander à l’eunuque le motif d’une conduite si étrange. « Pourquoi, quand le roi est en bonne santé, et porte sa couronne, t’imagines-tu de prendre des habits de deuil, et de paraître ainsi en public ? As-tu perdu ton fils ? ton épouse repose-t-elle dans ta maison, attendant- la sépulture ? S’il n’en peut être ainsi, pourquoi avoir pris le deuil, comme si tu avais essuyé ces malheurs ? » Voilà ce que le roi fit dire à l’eunuque.

L’eunuque lui fit répondre : « Je suis coupable, je l’avoue ; punis-moi du dernier supplice, je le mérite. »

Le roi, ne comprenant rien à cette réponse, se le fit amener, afin de lui demander à lui-même la raison de ces étrangetés. Quand on le lui eut amené, il lui dit : « Il faut que quelque malin esprit te possède, pour menacer mon règne de ce funeste présage.

— Non, répondit Gouschtazad, aucun malin esprit ne me possède, je suis tout à fait maître de moi, et mes pensées conviennent parfaitement à un vieillard.

— Pourquoi donc alors, dit le roi, as-tu paru tout à coup avec ces habits de deuil, comme un furieux ? Pourquoi as-tu répondu à mon envoyé que tu étais indigne de vivre.

— J’ai pris le deuil, répondit Gouschtazad, à cause de ma double perfidie envers mon Dieu et envers toi : envers mon Dieu, car j’ai violé la foi que je lui avais jurée ; j’ai préféré à sa vérité ta faveur ; envers toi, car, contraint d’adorer le soleil, je l’ai fait avec feinte et hypocrisie ; mon coeur intérieurement protestait contre ma conduite.

— Est-ce là, vieil imbécile, la cause de ta douleur ? Je t’aurai bientôt guéri si tu persistes.

— J’atteste le Dieu du ciel et de la terre que désormais je n’obéirai plus à tes ordres, et qu’on ne me verra plus faire ce que je gémis d’avoir fait. Je suis chrétien, et je ne sacrifierai plus le vrai Dieu à un perfide.

— J’ai pitié de ta vieillesse ; il m’en coûte de te voir perdre le prix de tes longs services envers mon père et envers moi. Je t’en prie, abandonne les rêveries de ces imposteurs, si tu ne veux périr misérablement avec eux.

— Sire, ni toi, ni tous les grands de ton empire, ne me persuaderez jamais de préférer la créature au Créateur, et d’outrager le Dieu suprême en adorant les œuvres de ses mains.

— Coquin, est-ce donc que j’adore des créatures ?

— Si au moins tu adorais des créatures vivantes et animées ! Mais, c’est honteux, tu adores des êtres privés de vie et de raison, une matière destinée au service de l’homme. »

La fureur du roi ne connut plus de bornes, et sur-le-champ il condamna à mort Gouschtazad. Les officiers insistaient pour l’exécution immédiate. « Donnez-moi une heure, leur dit Gouschtazad, j’ai encore quelques mots à faire dire au roi. » Il appela un eunuque, et le pria de porter au roi ces paroles : e Tu as toi-même tout à l’heure rendu témoignage à mon zèle et à mon dévouement ; tu sais combien fidèlement j’ai servi toi et ton père. Pour récompense, je ne te demande qu’une grâce, c’est de faire annoncer par la voix du crieur public que Gouschtazad est conduit au supplice, non pour avoir trahi les secrets du roi, non pour avoir comploté, mais parce qu’il est chrétien et qu’il a refusé de renier son Dieu. » Mon apostasie, se disait-il, a été connue de tous, et peut-être ma lâcheté en a-t-elle ébranlé plusieurs. Si l’on apprend maintenant mon supplice, et qu’on en ignore la cause, il ne sera d’aucun exemple aux fidèles. Je les fortifierai, au contraire, si je leur fais savoir ma pénitence, et s’ils me voient mourir pour Jésus-Christ. Mon martyre sera pour les chrétiens un éternel exemple de courage, qui raffermira leurs âmes et rallumera leur ardeur. Il avait bien raison, ce sage vieillard. La voix du crieur public, qui fit connaître à tous son sacrifice, fut comme une trompette guerrière qui donna aux athlètes de la justice le signal du combat, et les avertit de préparer leurs armes.

Le roi accéda au désir de Gouschtazad, et fit proclamer par un crieur tout ce qu’il avait souhaité. Il crut que cet exemple effraierait la multitude et lui ferait abandonner la foi chrétienne, et il ne comprit pas, l’insensé tyran, que ce courageux repentir serait l’aiguillon qui pousserait les fidèles à la mort, et que les brebis accourent où les cris de leurs compagnes mourantes les appellent.

Le saint vieillard mourut pour Jésus-Christ le treizième jour de la lune d’avril, la cinquième férie de la semaine des azymes (le jeudi saint). O Siméon, tu me rappelles Simon Pierre le pêcheur ! Car c’est toi qui fis subitement cette pêche miraculeuse.

Le saint évêque apprit dans sa prison ce merveilleux et heureux événement, et il en fut tout réjoui. Dans son ravissement, il s’écriait : « Qu’elle est grande ta charité, ô Christ ! qu’elle est ineffable ta bonté, ô notre Dieu ! qu’elle est forte ta grâce, ô Jésus ! qu’elle est puissante ta droite, ô notre Sauveur ! Tu rappelles les morts du tombeau, tu relèves ceux qui sont tombés ; tu convertis les pécheurs, tu rends l’espérance aux désespérés. Celui que je tenais pour le dernier, le voilà, selon mon désir, le premier. Celui qui marchait dans des voies contraires aux miennes, le voilà devenu le compagnon de mon sacrifice. Celui qui s’était écarté de la vérité, le voilà revenu à ma foi. Celui qui était tombé dans les ténèbres, le voilà convive du festin céleste. Son apostasie l’avait éloigné de moi, sa confession généreuse me le ramène ; je le précédais, et il me précède ; j’allais passer devant lui, et il me devance. Il a franchi le seuil redoutable de la mort, il m’a montré le chemin de la vie, il m’a rempli de joie et de force. Il s’est fait mon guide dans la voie étroite, il dirige mes pas dans le sentier de la tribulation. Et moi, que tardé-je à le suivre ? qui peut m’arrêter ? son exemple me crie : « Allons, hâte-toi » ; sa voix m’appelle et me presse. Je vois sa face rayonnante se tourner vers moi, je l’entends me crier : « Siméon, tu ne me feras plus de reproches maintenant ; ta vue ne me causera plus de honte ni de remords. A ton tour, Siméon, viens dans la demeure que tu m’as montrée, dans le repos que tu m’as fait trouver. Là nous goûterons ensemble une félicité éternelle et immuable, au lieu du bonheur fragile et passager que nous partagions ici-bas. » C’est donc ma faute si quelque chose encore m’empêche de le suivre, si ce bonheur se fait attendre plus longtemps, si je ne romps pas tout de suite tous les retards. O l’heureux jour que celui de mon supplice ! ce jour me délivrera de tous les maux que j’endure ! ce jour dissipera tous les ennuis qui m’accablent ! » Puis le saint évêque adressait à Dieu cette prière : « Cette couronne, l’objet de tous mes voeux, cette couronne après laquelle, tu le sais, depuis si longtemps je soupire, daigne me l’accorder, ô mon Dieu ! et si pendant tout le cours de ma vie je t’ai aimé, Seigneur, et tu sais que je t’ai aimé de toute mon âme, je ne te demande maintenant qu’une seule grâce : c’est de te voir, c’est de jouir de toi, c’est de me reposer dans ton sein ; c’est de ne pas être retenu plus longtemps sur cette terre, témoin des calamités de mon peuple, de la ruine de tes églises, du renversement de tes autels, de la profanation de ta sainte loi. Prends-moi, que je ne voie pas la chute des faibles, l’apostasie des lâches, la crainte d’un tyran dispersant mon troupeau, et ces faux amis qui cachent sous un visage riant une haine mortelle, ces faux amis qui s’enfuient et nous délaissent au jour du malheur ; épargne-moi le spectacle du triomphe insultant des ennemis du nom chrétien, et de leurs cruautés contre l’Église. Je suis prêt, Seigneur, à remplir toute l’étendue de mes devoirs, à achever généreusement mon sacrifice, à donner à tout l’Orient l’exemple du courage ; assis le premier à la table sacrée, je tomberai le premier sous le glaive, pour m’en aller, de là, parmi les bienheureux, qui ne connaissent ni les ennuis, ni les angoisses, ni les douleurs ; où nul ne persécute, nul n’est persécuté ; nul ne tyrannise, nul n’est tyrannisé ; rien ne chagrine, rien ne fait peine. Là on ne redoute plus les menaces des rois ou le visage irrité des ministres ; personne ne vous repousse ou ne vous frappe, personne n’inquiète ou ne fait trembler. Là, ô Christ, tu délasseras nos pieds meurtris par ]les aspérités du chemin ; tu ranimeras, onction céleste, nos membres fatigués par les labeurs ; tu noieras, coupe de vie, toutes nos douleurs ; tu essuieras, source de joie, de nos yeux toute larme. »

Le bienheureux Siméon tenait, en faisant cette prière, ses mains élevées vers le ciel. Les deux vieillards pris et emprisonnés avec lui, comme nous l’avons raconté, contemplaient avec admiration son visage tout illuminé d’une joie céleste : on eût dit une rose épanouie, une fleur fraîche et toute belle.

C’était la nuit qui précède le jour de la mort du Sauveur : Siméon, résistant au besoin du sommeil, et chassant toute distraction, priait ; « Tout indigne que j’en suis, Seigneur, exauce ma prière : fais que ce soit au jour même, à l’heure même de ta mort que je boive aussi le calice. Que les siècles à venir publient que j’ai été mis à mort le même jour que mon Sauveur ; que les pères répètent à leurs enfants : Siméon a écouté l’appel de son Dieu, et, comme son maître, il fut martyr, le quatorzième jour, la sixième férie. »

Et en effet, le jour même du vendredi saint, à la troisième heure, le roi fit prendre par ses gardes et amener devant le tribunal Siméon, qui, cette fois encore, ne se prosterna pas devant le roi. « Eh bien, entêté, lui dit le prince, as-tu réfléchi cette nuit ? Vas-tu profiter de ma bienveillance, qui t’offre la vie ? Ou veux-tu demeurer rebelle et mourir ?

— Oui, oui, je persévère, et toute cette nuit la pensée de mon salut a éloigné de moi le sommeil, et j’ai compris combien ton inimitié est plus précieuse pour moi que ta bienveillance.

— Adore le soleil une fois, une fois seulement, et je me déclare ton protecteur contre tous tes ennemis.

— A Dieu ne plaise que je donne à ceux qui me poursuivent d’une haine injuste ce sujet de triomphe, et que mes ennemis puissent dire jamais : Siméon est un lâche, qui, par peur de la mort, a sacrifié son Dieu à une vaine idole.

— Le souvenir de notre ancienne amitié m’avait porté à la douceur, à t’aider de mes conseils, à chercher à te sauver ; mais, puisque tous mes efforts ont été inutiles, les suites te regardent.

— Peines perdues. Que tardes-tu à me faire mourir ! L’heure a sonné : hâte-toi donc, un repas céleste m’attend, la table est servie, et on me demande pourquoi je tarde encore. »

Cependant le roi, en présence même de Siméon, dit aux satrapes et aux officiers qui l’entouraient : « Voyez-vous, quel beau visage, quel port majestueux ! J’ai voyagé au loin et dans tout mon royaume, et nulle part je n’ai vu tant de grâce unie à tant de dignité. Imaginez maintenant la folie de cet homme qui se sacrifie à des chimères !

— Il ne serait pas sage, sire, répondirent unanimement les satrapes, de t’arrêter à la beauté d’un seul homme, et de fermer les yeux au grand nombre des victimes qu’il a séduites et entraînées dans l’erreur. »

Siméon fut condamné à mort et conduit immédiatement au supplice.

Il y avait aussi dans les prisons cent autres chrétiens, parmi lesquels des évêques, des prêtres, des diacres ou des clercs. Ils furent tous tirés de prison en même temps, et conduits à la mort. Quand le grand juge leur lut l’édit du roi, conçu en ces termes : « Que celui qui veut sauver sa vie adore le soleil », ils répondirent tous ensemble : « Nous croyons au seul Dieu véritable, et notre foi se moque de vos supplices ; nous aimons le Christ, et notre amour se fait un jeu de la mort ; vos glaives ne sont encore pas assez tranchants pour enlever de nos coeurs l’espérance de notre future résurrection. Nous l’avons tous juré, nous n’adorerons pas le soleil, nous ne suivrons pas vos conseils impies. Bourreau, fais ton métier. »

Le roi avait commandé de frapper cette troupe de saints sous les yeux de Siméon : il espérait que l’horreur de leur supplice l’ébranlerait. Mais pendant que ces glorieux martyrs tombaient sous le glaive, Siméon, debout devant eux, leur criait : « Courage, mes frères, et confiance en Dieu. Votre résurrection descendra avec vous dans la tombe, et quand la trompette de l’ange réveillera les morts, vous l’entendrez, et vous vous lèverez. Le Christ aussi a été immolé, et il est vivant : par votre mort vous trouverez la vie en lui. Souvenez-vous de ses paroles : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l’âme. Quiconque perd sa vie pour moi la retrouvera dans la vie éternelle. La marque du vrai amour, c’est de mourir pour celui qu’on aime. » Et puisque vous mourez par amour, vous recevrez la récompense des amis. Ecoutez l’Apôtre qui vous crie : « Rappelez-vous que Jésus-Christ est ressuscité des morts. Par conséquent, si nous mourons avec lui, nous vivrons aussi avec lui. Et si nous partageons sa passion, nous partagerons aussi sa gloire. Et si nous donnons notre vie pour Jésus, la vie de Jésus se manifestera aussi un jour dans notre corps mortel. Il semble maintenant que la mort est en nous, et la vie en vous ; mais sachez, très chers frères, qu’à notre mort succédera une vie éternelle, et à votre vie une éternelle mort ; car celui qui nie Dieu n’aura pas la vie. Et si maintenant nous souffrons un peu, une gloire immense, un éternel bonheur seront le prix de ces souffrances. Au dehors, notre corps tombe en poussière ; mais au dedans, notre âme se renouvelle ; car celui qui a rappelé Notre-Seigneur Jésus-Christ des morts, nous ressuscitera aussi pour régner avec lui. Si, pendant notre séjour ici-bas, nous sommes morts pour le Seigneur, en quittant cette terre nous irons avec le Seigneur dans la gloire. » A nous d’aimer, à lui de nous sauver ; à nous d’être fidèles, à lui d’être généreux ; à nous de travailler, à lui de nous récompenser ; à nous de souffrir, à lui de nous ressusciter ; à nous de verser notre sang, à lui de nous donner la couronne, le repos, la joie, les délices, et de nous nous dire : Venez, bons serviteurs, entrez dans la joie de votre maître ; vous avez fait fructifier les talents que je vous avais confiés. »

Quand les martyrs furent décapités, et couronnés de leurs cent couronnes, une triple palme fut encore offerte à la très sainte Trinité par Siméon et les deux vieillards ses compagnons, qui furent immolés les derniers.

Au moment du supplice, un des compagnons de Siméon pendant qu’il ôtait ses habits et que les bourreaux l’attachaient, fut tout à coup saisi d’une crainte involontaire, et se mit à trembler de tout son corps ; son coeur toutefois demeurait inébranlable. A cette vue, Possi, personnage considérable, nommé tout récemment intendant des travaux publics, encouragea le tremblant vieillard. « Courage, Hananias , lui cria-t-il, ferme un instant les yeux, et tu les ouvriras à la lumière du Christ. » Il fut conduit sur-le-champ au roi pour rendre compte de cette parole. Le roi lui dit : « Ingrat, voilà le cas que tu fais de mes bienfaits 1 Elevé par moi à une haute dignité, tu en négliges les devoirs, pour aller voir mourir des coquins !

— Cette négligence, répondit Possi, c’était mon devoir, et je voudrais échanger ma vie pour leur mort. La dignité dont vous m’avez décoré est pleine de troubles et de peines, et j’en fais volontiers le sacrifice ; mais leur mort est à mes yeux le comble du bonheur, je la désire et la demande.

— Tu es assez fou de préférer leur supplice à ton emploi, et de vouloir partager leur sort ?

— Oui, oui. Je suis chrétien, et mon espérance au Dieu des chrétiens est si ferme et si sûre, que j’attache infiniment plus de prix au supplice des martyrs qu’à tous les honneurs.

Le roi, furieux, dit aux bourreaux : « Pour celui-ci, il ne faut pas un supplice ordinaire. Puisqu’il a eu l’audace de fouler aux pieds les dignités dont je l’avais honoré, puisqu’il a insulté ma majesté royale, percez-lui le cou et arrachez-lui sa langue insolente ; que l’atrocité de son supplice épouvante tous ceux qui en seront témoins. » Les bourreaux exécutèrent cet ordre avec une cruauté barbare, et Possi mourut dans cette horrible torture.

Il avait une fille, qui avait consacré à Dieu sa virginité. Accusée aussi d’être chrétienne, elle mourut pour Jésus-Christ, son espérance et son Sauveur

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