Mot du père Franz - Du 09 au 31 octobre 2021
Dernière mise à jour : 15 mars 2022
Trop souvent, on nous présente le jeune-homme riche de l’Evangile comme quelqu’un qui a refusé le salut, quelqu’un qui a dit « non » au Christ. Et si certains commentaires essaient de rester miséricordieux, en supposant qu’il puisse, dans l’avenir revenir sur sa décision, cela reste encore dans le négatif. Comme si, pour suivre le Christ, il n’y avait qu’un chemin, qu’un seul appel.
Certes, le Christ lui propose le meilleur des appels pour que cet homme se réalise. Mais qui de nous peut affirmer avoir toujours pris le meilleur des chemins, face aux multiples possibilités… Ce jeune-homme, il est comme nous ! Il est même, quelque part, un modèle inaccessible pour nous : il possède deux choses que nous aimerions avoir pour toujours, à savoir : la jeunesse et la richesse ! D’où le fait, dans certains commentaires, d’une certaine jalousie inconsciente et une position ecclésiale biaisée : le Seigneur lui a fait cadeau de la richesse et de la jeunesse, et il n’est pas capable de suivre Jésus, de suivre les enseignements de l’Eglise ? Alors… Anathème ! Mais quelle erreur de toujours tomber dans le jugement définitif.
Car ce jugement oublie que cet homme est arrivé en courant près de Jésus. Contrairement à beaucoup de personnes –à commencer par les Apôtres- qui ont été appelé par le Christ, lui court vers Jésus. Et cet homme est un vrai modèle : il a acquis ses richesses d’une manière honnête, il n’a rien à se reprocher. De plus, il a observé tous les commandements depuis sa jeunesse : pas de faux témoignages, pas de vol, pas d’adultère non plus… et Dieu sait que ce n’est pas facile quand on a l’argent… et donc le pouvoir !
Et Jésus l’aima… Face à nos jugements définitifs, la réponse de Jésus est déjà donnée : Jésus l’aime. Comment croire que cet amour va disparaître quand ce jeune-homme n’osera pas tout quitter ! Jésus l’aime et l’aimera toujours. Voilà le regard que devrait donner l’Eglise, Elle qui a pris la suite de la présence terrestre de Jésus après l’Ascension du Seigneur, Elle qui rend la présence réelle du Sauveur parmi les hommes.
Oui, derrière cet homme se profile notre Eglise… Et face au rapport qui vient de sortir sur les abus du passé, je pense qu’Elle ferait mieux de garder profil bas, de rester humble. Si elle court toujours et sincèrement vers Jésus, comme ce jeune-homme, combien de fois est-elle tombée ? Et ce rapport, je vais même oser, d’une manière subversive, affirmer qu’il ne va pas assez loin : il dénonce toutes les formes de pédophilies et propose des pistes pour protéger dans l’avenir les jeunes. C’est essentiel ! Mais j’aurai aimé qu’il analyse également toutes les formes de maltraitances qu’ont subit tant de jeunes en leur époque, dans diverses institutions éducatives d’Eglise. J’ai rencontré tant de personnes, qui ont grandi depuis, qui ont gardé la foi mais rejeté toute pratique à cause de sévices et d’actes sadiques qui, aujourd’hui, vaudraient de la prison ferme à ceux et celles qui étaient censés avoir autorité sur eux…
Quand l’Eglise fait œuvre de vérité, elle est belle ! Mais quand elle affirme avoir la vérité sans nuances, quand elle est si sûre d’elle, combien elle peut abîmer les cœurs… Car, dans ce cas, elle devient fière de ses vertus et prompte à donner des leçons. Si soucieuse également d’obtenir des succès, d’attirer la grande foule, de gonfler les statistiques du nombre de baptêmes célébrés, de réussir en tout. Risquant de se compromettre pour y arriver, pour se protéger, avec les riches, les puissants, les lobbies de tout poil… Et pourtant, malgré ces dérives, elle reste toujours aussi généreuse… et Jésus aime son Eglise !
Je suis persuadé que Jésus lui dit : « quitte donc ce désir d’être majoritaire, de sauvegarder ta puissance. Et puis, suis-moi ! Libère-toi de tout ce qui t’emprisonne : de tes biens, de tes richesses, de tes sécurités, de tes pastorales trop bien huilées, de ton image, de ta réputation, de ton rang… Oui, aujourd’hui tu as le dos courbé sous le poids des mérites, mais tu plies sous la culpabilité des fautes du passé. Quitte ces deux souffrances et relève-toi ! ».
Alors, j’ai rêvé que notre Eglise se soit relevée, ait enfin baissé les yeux et ait fait demi-tour (expression qui signifie « se convertir ») comme ce jeune-homme. Qu’elle se soit en allée pour un temps, toute triste d’être trop riche, mais sûre qu’elle est toujours regardée, aimée par le Christ. Il n’est pas facile d’être Eglise servante et pauvre… Mais c’est bien cette Eglise-là que Dieu aime, que Dieu désire !
+Franz
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