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Mot du père Franz - Du 08 au 23 juillet 2023

Lors d’une messe anticipée du samedi soir, un peu fatigué par une journée chargée, j’ai eu cette phrase en entrant dans la sacristie : « pff, il ne faudrait pas vieillir ! ». Et là, du tac au tac, la personne relais me répond : « oui, mais vous ne voulez pas mourir jeune non plus ! ». Votre curé, pourtant bavard, est resté sans voix. La personne avait juste remis les choses dans le bon sens.

J’étais plutôt dans l’affirmation un peu lapidaire du Général de Gaulle : « le vieillesse est un naufrage » (même si cette phrase servait en son temps à expliquer pourquoi le Maréchal Pétain avait accepté d’abandonner la défense de la Patrie). La personne relais me disait le contraire : « on peut être heureux en étant vieux ».

Ca m’a interpellé profondément car ce n’est pas facile quand on prend de l’âge de voir le verre à moitié plein… Les douleurs, les deuils qui se multiplient autour de soi, les forces qui s’amenuisent ou la solitude qui guette ; il serait naïf de nier ces immenses défis. Mais est-ce que tout ceci empêche définitivement le bonheur, même si c’est un « bonheur malgré tout » ?

Le verre à moitié vide nous met en avant les renoncements si nombreux : les forces qui baissent inéluctablement, les choses de plus en plus nombreuses qu’on doit définitivement abandonner, les liens familiaux et amicaux se distendent. Les Petits Frères de Pauvres nous rappellent dans une étude que plus de 350.000 séniors sont isolés, souffrant d’une terrible solitude.

Alors je me suis dis qu’il fallait retrouver la lumière de l’espérance. Pour cela, gare aux images d’Epinal ! Dans l’inconscient collectif, vieillesse et dépendance vont de pair. Crise des EHPAD aidant, chacun craint de finir sa vie dans un établissement spécialisé en manque chronique de personnel et de moyens. Mais ce serait caricaturer la situation réelle vécue par nombre de résidents, et en plus… C’est statistiquement faux ! A 80 ans, huit personnes sur dix sont autonomes d’après les chiffres officiels de l’INSEE, et beaucoup se rendent utiles sans le crier sur les toits. Demandez leur âge aux innombrables bénévoles des associations ou en Eglise ! D’ailleurs, la personne qui m’a ainsi interpellée a, elle-même, ses propres 80 ans !

Cette curieuse cécité tient peut-être au fait que notre société, obsédée par la jeunesse et la réussite, ne sait plus très bien où placer le curseur : quand devient-on un « vrai » vieux ? Je me rappelle d’un enfant à l’Eveil à la foi –qui devait avoir dans les 6-7 ans- m’avait demandé si j’avais rencontré Moïse puisqu’il était mort avant sa naissance ! Son effort louable pour me situer dans l’ordre des générations justifiait bien quelques approximations.

« L’âgisme », cette discrimination liée à l’âge, en vigueur notamment dans la sphère professionnelle, fait moins sourire. Lorsqu’on appelle « séniors » des salariés de 50 ans (du coup, vous avez un curé sénior !), rien d’étonnant à ce qu’on les considère hors circuit dix ans plus tard. Ce qui explique aussi la crispation sur le débat de l’âge de la retraite de ce printemps… On a juste oublié au passage l’augmentation inédite de la longévité. Même si personne ne sait si cette augmentation durera, les chiffres sont quand-même encourageant : à 65 ans, un retraité dispose de 18.3 années d’espérance de vie, et une femme, de 22.5 ans !

Un an avant la COVID, une députée avait démarré un « Tour de France du grand âge et de l’autonomie ». C’était une mission sérieuse –et non une posture uniquement électorale- puisqu’elle s’était lancée à la demande expresse du premier ministre de l’époque. Son objectif était de remédier à l’âgisme en collectant les initiatives valorisant l’image des aînés.

Ce tour là n’a mobilisé ni foules ni les caméras des chaînes d’information. Vous pensez… Juin et Juillet 2019, période de ce tour, faisaient la « une » car ces mois étaient considérés comme les mois les plus chauds jamais enregistrés dans l’histoire du monde. Alors, les seules paroles concernant les aînés, allaient à l’encontre d’une autonomie mais plus un rappel de la faiblesse : attention à la canicule de 2003 !

C’est pourquoi, à mon petit niveau puisque je me suis également laissé embarquer à mon corps défendant dans cet âgisme, et étant considéré comme un sénior, je voudrais juste inviter, sans nier les soucis de l’âge, à essayer de toujours garder un regard positif, de considérer la vieillesse comme une richesse de dépossession. Quand on n’a pas le choix, soit on subit soit on l’accueille ! Belle école d’humilité et de préparation à la dépossession intégrale que nous vivrons tous un jour : le passage de la mort. Une personne âgée a plus de chance d’accueillir ce chemin obligatoire positivement qu’un jeune qui se croit inconsciemment immortel !

Avec philosophie et une riche vie intérieure, considérons ensemble l’âge comme une force, et non d’emblée comme un fardeau. Celui qui a dépassé les 33 ans peut se dire qu’il vit une expérience que Dieu lui-même, en Jésus-Christ, n’a pas vécu ! Nous pouvons ainsi compléter, si nous le décidons, d’offrir au Seigneur quelque chose qu’il n’a pas connu. N’est-ce pas le plus beau des cadeaux qu’il nous ait laissé afin de garder espérance et regard lumineux sur nos années qui s’amoncellent ?

 

Et ça… je pense que cela mérite un bon coup de projecteur !

 

+Franz

 

 

 

 

 

 



 

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