Saint HERIBERT
Saint-Héribert, patron de Rémersdael
Saint Héribertn’est pas seulement le titulaire de l’église de Rémersdael, mais il est aussi le patron de la localité, comme en témoigne la fontaine St‑Héribert. Au moment où la commune célèbre une commémoration centenaire, il paraît opportun de retracer pour les habitants l’histoire de leur saint protecteur, qui semble être peu connue. Saint Héribert fut à la fois un grand homme d’État, chancelier de l’empire germanique, et un éminent pontife, Archevêque de Cologne.
Héribert naquit vers l’an 970 ; il était fils du comte Hugo de Worms. Ses études commencées à l’école du chapitre de cette ville, se continuèrent à l’abbaye de Gorze, près de Metz, où il surpassa les Moines par l’étendue de son savoir, ses connaissances théologiques et sa profonde piété.
A son retour, l’Évêque de Worms le nomma prévôt de la Cathédrale, l’ordonna Prêtre et le fit entrer dans la chancellerie royale, où convergeaient toutes les activités politiques et administratives de l’empire. Le jeune clerc n’aurait pu recevoir une meilleure formation diplomatique, mais son séjour à la chancellerie devait en plus avoir une importance décisive sur le cours de sa vie, car c’est là qu’il fut remarqué et apprécié par l’empereur Othon III.
Celui-ci en fit, en 993, son chancelier pour les affaires d’Italie, pays compris dans le saint empire romain germanique, et son conseiller intime, son compagnon inséparable. Il voulut aussi lui confier l’évêché de Wurzbourg, mais Héribert se désista en faveur de son frère Henri. Héribert devait la ferveur royale à son service désintéressé pour l’État. Il n’aspirait pas, comme la plupart des nobles de l’entourage impérial, à étendre les possessions de son lignage.
Demeurant toujours dans le voisinage d’Othon, il s’appliquait à déjouer les plans irréfléchis de l’impétueux et inexpérimenté monarque, comme inversement de favoriser toutes ses bonnes dispositions et ses actes généreux de dévotion. Il l’accompagna dans ses deux premières expéditions à Rome, assista à son couronnement en 996 et participa activement à plusieurs Conciles. Il influença efficacement l’élection de deux Papes pieux et capables, Grégoire V et Sylvestre II.
Lorsqu’Othon lui eut confié en 998 la direction de la chancellerie de l’Allemagne et que les devoirs de cette charge réclamèrent toutes ses forces, Héribert vit avec souci l’exaltation de l’empereur éclater sans retenue et l’induire à l’exagération de sa dignité impériale.
Mais, avant qu’il eût pu interposer son ascendant, survint son élection à l’Archiépiscopat de Cologne. Il se trouvait à Bénévent, en Italie, où l’empereur l’avait envoyé pour apaiser les troubles, lorsque sans s’y attendre il fut nommé Archevêque.
Ce choix fut ratifié par le peuple qui proclama son allégresse en s’écriant unanimement, comme jadis à Milan lors de l’élection de saint Ambroise : « Héribert sera notre Évêque ». L’empereur lui donna l’investiture, le mettant ainsi en possession des territoires attachés à l’archiépiscopat de Cologne et le Pape Sylvestre II lui remit le pallium, symbole de sa nouvelle dignité, consistant en une bande de laine blanche, garnie de croix, portée sur la chasuble.
La veille de Noël 999, Héribert arriva à Cologne, par un froid rigoureux, pieds nus et vêtu de toile. Ainsi, dès son entrée en charge, il ne fit aucun doute qu’il se proposait de vivre dans un esprit évangélique de pauvreté et de simplicité.
De même qu’il s’était jusqu’alors, de façon désintéressée, sacrifié pour le bien de l’État et le service de l’empereur, autant il devait prendre soin de son archidiocèse et de ses ouailles. Il se fit remarquer par son zèle, sa douceur, son humilité, sa piété et son amour des pauvres. Il pratiquait de grandes mortifications et portait toujours un cilice sous son habit.
L’empereur s’étant rendu à Rome avec Héribert en l’an 1001, il y fut assiégé dans son palais par le Peuple et obligé de s’enfuir à Ravenne, pour y attendre l’arrivée d’une armée allemande. Il mourut peu après, le 23 janvier 1002, à Paterno, non loin de Viterbe.
Comme il l’avait demandé, Héribert, qui se trouvait à son lit de mort, ramena son corps en Allemagne, au prix des plus grands dangers, à travers l’Italie en révolte. Il le fit inhumer à Aix‑la‑Chapelle, à Pâques 1012, dans le tombeau de Charlemagne, au chœur du dôme.
Si on s’était attendu à beaucoup de l’énergie clé Héribert, nul n’aurait osé espérer que cet homme de gouvernement et de cour serait un pasteur d’âmes aussi éminent. Il faisait personnellement le service divin à la Cathédrale et y prêchait aux grandes fêtes. Par des visites régulières, il se rendait compte de la situation des paroisses, réprimait les abus et exhortait le clergé à une vie exemplaire. Il trouvait des appuis dans les abbayes et les couvents, qu’il dota généreusement. Il était lié d’amitié avec leurs supérieurs, comme il était aussi en relations suivies avec tous les pieux personnages de son pays.
La Fondation de prédilection du grand Aarchevêque fut l’Abbaye de Deutz, par laquelle il accomplissait les dernières volontés de son royal ami Othon. L’église, construite avec toute la munificence imaginable, sous la direction d’architectes étrangers qu’il avait lui-même appelés, fut consacrée en 1019. Son action efficace dans l’érection des divers édifices religieux de Cologne ne fit pas défaut.
L’achèvement des églises St‑Pantaléon, St‑Séverin, St‑Georges, Ste‑ Marie‑au ‑Capitole fut poursuivi sous son administration et en partie avec son aide financière. Dans notre contrée, il avait consacré, en l’an 1007, l’église paroissiale de Malmedy et, le 28 octobre 1015, avec l’Évêque Baldéric de Liège, la Cathédrale St‑Lambert, construite dans cette ville par Notger. Après les églises et les cloîtres, ce furent les pauvres que Héribert eut le plus à cœur. Il les appelait ses « seigneurs et frères », les nourrissait, leur lavait les pieds, leur dispensait tous ses biens. Sa bienfaisance était devenue proverbiale dans les contrées à l’ouest du Rhin, de telle sorte que, durant la famine qui désola en l’an 1002 la France et l’Allemagne, des foules innombrables de malheureux se rendirent à Cologne, où ils s’affaissaient dans les rues, malades et sans abri.
L’Archevêque chercha à soulager la misère autrement que par des aumônes ; son œuvre sociale s’exerça d’une manière grandiose, par des moyens modernes. Il créa des hospices et des hôpitaux, organisa des repas publics et fit procéder à des récoltes de reliefs ; il alla visiter incognito les refuges et veilla à une stricte justice. Il combattit l’indigence dans les campagnes, où il envoya des clercs qui parcouraient en son nom tout l’archidiocèse avec des ressources suffisantes.
A son retour d’Italie avec la dépouille mortelle d’Othon III, Héribert s’était vu forcé de remettre les insignes impériaux au duc Henri de Bavière. Ayant abandonné la chancellerie, il se montra hostile à l’accession au trône de ce dernier, qui fut élu.
Aussi les rapports entre eux restèrent durant longtemps fort tendus, bien qu’aucun témoignage d’infidélité au nouveau monarque ne pût jamais être reproché au prélat. Il l’accompagna même dans plusieurs expéditions, partageant ses dangers. Henri II, qui n’avait pas d’abord rendu aux mérites et aux vertus de Héribert la justice qui leur était due, reconnut enfin son erreur ; il se jeta à ses genoux pour lui demander pardon des torts qu’il avait eus envers lui et, pour les réparer, le nomma chancelier de l’empire. Canonisé, en 1146 par le Pape Eugène III, ce souverain est honoré dans l’Église comme saint Henri.
En février 1021. à peine remis d’une maladie, Héribert avait entrepris une nouvelle tournée de visites, mais il ne put aller que jusqu’à Neuss. Une forte attaque de fièvre le força au retour. Revenu par bateau à Cologne, il se fit transporter, malgré ses douleurs dans le dôme pour se recommander, ainsi que son archidiocèse, au Sauveur devant l’autel de la Croix. Il tomba ensuite très rapidement en agonie. Il avait légué aux pauvres par testament tout ce qu’il possédait encore. C’est à eux que s’appliquèrent ses dernières paroles : « Comment vont mes frères ? Souffrent-ils de la disette ? »
Le 16 mars 1021, il remettait son âme entre les mains du Créateur. Son corps fut inhumé dans l’octogone de l’église abbatiale de Deutz. En 1230, le Pape Grégoire IX inscrivit le grand pontife au canon des saints, le rangeant parmi les confesseurs. La bulle de Canonisation louait éloquemment ses œuvres et ses vertus.
Lambert de Liège, d’abord Moine à Deutz, ensuite Abbé du Monastère St‑Laurent à Liège, mort en 1070, a écrit la vie de saint Héribert. Il signale, à la fin de cet ouvrage, qu’il s’était proposé de faire un second livre relatant ses miracles, mais qu’il avait ensuite renoncé à ce projet. L’existence de ce second livre, demeuré inconnu, était pour cette raison niée par les historiens, lorsqu’en 1847 il a été découvert, faisant suite au premier, dans un volume de la bibliothèque de l’université de Liége et publié dans le tome XVI du Bulletin de la Commission royale d’Histoire. Il comprend 42 chapitres, consacrés chacun à un miracle opéré par saint Héribert après sa mort. Le glorieux patron de Rémersdael est généralement représenté en habits pontificaux avec la mitre et la crosse, portant sur la main la maquette d’une église, pour rappeler qu’il fut le Fondateur de l’Abbaye de Deutz et qu’il fit relever et restaurer de nombreuses églises de son diocèse. La châsse de style roman contenant les ossements de saint Héribert a été confectionnée vers 1165 par l’illustre orfèvre hutois Godefroid de Claire, auteur de celle de Saint‑Hadelin à Visé et du chef du Pape saint Alexandre, jadis dans l’église de Xhendelesse.
C’est l’œuvre de ce genre remontant au XIIe siècle la plus remarquable et la mieux conservée. Les médaillons émaillés du couvercle représentent entre autres les miracles opérés par le saint, tandis que les extrémités s’ornent des statuettes de la Charité et de l’Humilité symbolisant ses deux vertus prééminentes. Après que l’Abbaye de Deutz où elle se trouvait eut été détruite en 1376, la châsse fut transportée à Siegbourg, d’où elle a été ramenée à Deutz en 1896 pour être placée dans l’église St‑Héribert nouvellement construite.
Les événements de la dernière guerre l’ont fait transférer provisoirement dans le trésor du dôme de Cologne, dont elle constitue le joyau. Une société de tir sous le patronage de saint Héribert s’est fondée à Rémersdael le 16 juin 1808. Le double vocable de saint Héribert, l’illustre prélat colonais, et de sainte Geneviève, patronne de Paris, constitue comme un symbole de la situation de la localité, aux confins de la culture germanique et de la civilisation française.
Le culte de Saint Héribert, populaire en Rhénanie, est peurépandu dans notre pays. Il en est de même pour son contemporain, saint Henri. Alors que ce dernier est toutefois inscrit au calendrier liturgique (15 juillet), saint Héribert figure seulement au propre du diocèse de Namur et ce encore à cause d’un ermite de même nom dont la chapelle se trouvait à l’emplacement du fort St Héribert, au sud-ouest de la dite ville.
Si l’évêché de Liège ne compte aucune église dédiée à saint Henri, Rémersdael en est l’unique paroisse dont saint Héribert est le patron. À ce titre, les fidèles de la localité, et spécialement les membres de la société qui porte son nom, devraient avoir à cœur d’honorer d’une façon solennelle, le jour de sa Fête (16 mars), ce glorieux confesseur pontife, afin de mériter ainsi sa puissante intercession.
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